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l’arme blanche, s’enfuirent dans les bois après une résistance qui leur coûta cher. La contre-guérilla éprouva aussi quelques pertes : le sergent-major de l’infanterie eut le ventre traversé d’une horrible blessure. Il était temps d’arriver à Tomatlan ; ce village, quelques jours auparavant, s’était rallié à l’intervention. Le soir même, des contingens de Huatusco faisaient irruption sur ce petit centre en criant vengeance. L’engagement de nuit l’avait sauvé du pillage. Le 26, on arrivait à Coscomatepec[1] sans combat. La population ne bougea point. Le préfet politique et militaire, à qui on avait offert l’amnistie, avait refusé de traiter avec los invasores (les envahisseurs) ; il était parti. L’attitude de ce fonctionnaire avait heureusement désorganisé la défense.

Toutes ces contrées comprises entre Cordova, Jalapa et Perote[2] sont radicalement hostiles à l’étranger. Aussi la soumission de la ville de Huatusco était-elle d’une importance capitale pour la sécurité des terres chaudes ; mais avec une poignée d’hommes, à dix-huit lieues de Cordova, l’entreprise était périlleuse, d’autant plus qu’à partir de Coscomatepec, tous les points en arrière étaient occupés par les forces libérales. La colonne n’en partit pas moins, elle traversa de jour une seconde barranca ; plusieurs légères escarmouches eurent lieu dans le trajet, mais les lanceros[3] se retirèrent de hauteur en hauteur, lâchant toujours pied. A quelque distance de Huatusco, ils prirent le trot et disparurent à l’horizon. Vers midi, la colonne entrait à Huatusco au son de toutes les cloches. Au Mexique, tous les partis vainqueurs ont l’honneur du repique (carillon des cloches) : cela est de fondation ; il n’y aurait pas de triomphe complet sans une série de carillons déchirans pour les oreilles les moins délicates. Les rues et les places de la ville étaient absolument désertes. La population féminine, entassée dans l’église, priait et tremblait. Le curé, entouré de cinq ou six étrangers qui demandaient aussi protection au saint lieu, attendaient dans la sacristie. L’alcade s’était enfui avec tous les hommes en état déporter les armes ; la population fut invitée à nommer le 29 un nouvel alcade, et une proclamation fut affichée sur les murs pour rassurer les habitans sur leur sort et celui de leurs biens.

  1. Bourgade d’origine indienne peuplée aujourd’hui surtout de métis.
  2. Ville fortifiée, située sur l’autre route de Puebla, d’où le sommet du pic voisin, qui a la forme d’un coffre, a pris le nom de « coffre de Perote. »
  3. La cavalerie mexicaine était composée surtout de lanciers. Il est regrettable que la France n’ait pas opposé à ces régimens mexicains des lanciers français, qui eussent rendu de grands services. La France n’a envoyé contre la cavalerie mexicaine que des hussards et des chasseurs de France et d’Afrique.