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guérilla. On jura fidélité aux ordres du général en chef, et le soir on se sépara.

Aussitôt après la prise de Cotastla, la colonne expéditionnaire reçut l’ordre de se rendre à Cordova, où elle devait se remonter en chevaux. Au moment du départ, un habitant de Cotastla eut à se plaindre de mauvais traitemens exercés sur lui par un colorado. Justice fut rendue. Le coupable fut condamné aux ceps. La ville s’était engagée à le ramener à Cordovadès qu’il aurait subi sa peine ; elle tint sa promesse : quelques jours après, une bande d’habitans armés sortit de Cotastla pour ramener le soldat brutal à Cordova avec les plus grands égards.

La marche sur Cordova ne fut guère favorisée au début. Les premières journées (19 et 20 juin) furent marquées par des pluies torrentielles. Tous les ruisseaux étaient gonflés, et les chemins de traverse étaient défoncés ou changés en lacs. Un seul incident fut à noter dans ces deux jours, — la visite de la colonne en marche à un curé qui avait fait échapper devant notre cavalerie des partisans mexicains réunis au rancho de San-Juan de la Punta. Cet excellent ecclésiastique, décrié à dix lieues à la ronde, tenait boutique de liqueurs, et, tout en les débitant à un prix élevé, chaque samedi il grisait les guérillas, qu’il dépouillait ensuite de leur argent dans une partie de monte. La séance de jeu durait deux ou trois jours de suite. Le curé reçut le sage avis de renoncer à son commerce, de moins fréquenter les guérillas, et de travailler à sa propre conversion avant de songer à celle de ses paroissiens.

Un des plus beaux spectacles des terres chaudes, c’est le panorama de la montagne du Chiquihuite. On arrive au pont jeté sur le torrent du même nom après avoir traversé une région aride et monotone. Une fois le pont franchi, on voit l’horizon bleuâtre, fuyant dans les gorges de la forêt vierge du Chiquihuite, se parer de teintes merveilleuses, blanchi parfois par les vapeurs qui s’élèvent légèrement des bois. La route, taillée dans le roc, gravit le flanc de la montagne. Le torrent roule avec fracas ses eaux glaciales et limpides, qui s’en vont jaillissant de cascade en cascade à l’ombre des cocotiers et des bambous. Partout c’est un splendide fouillis de verdure et de fleurs, où se donnent rendez-vous les plus brillans oiseaux de la création, depuis l’oiseau-mouche jusqu’au guacamayas (gros perroquet) à la queue traînante. Le touriste qui s’arrête au haut de la pente pour reprendre haleine peut jeter un regard en arrière : de là il découvre, quand les terres chaudes ne sont pas voilées de brouillards, trente lieues de pays jusqu’aux bords du golfe du Mexique.

La grande route, qui monte assez rapidement du Chiquihuite à