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avec raison fédérative réunissait sans les confondre les croyances les plus diverses sous l’invocation vague du grand Allah. Il était cependant difficile qu’éclairés par la tradition, l’exemple et la réflexion, quelques esprits de choix ne prissent pas en dégoût les fables absurdes ou grossières qui défiguraient l’antique foi d’Abraham et de Melchisedek. Si le christianisme ne s’était jamais emparé des masses, il avait touché quelques âmes pieuses et sensées. Après la tentative de Cossay, il parut plus d’un personnage qui rêva une régénération religieuse, un retour au pur monothéisme. On cite quatre de ces réformateurs ou orthodoxes qu’on appelait des hanyfes, qui furent de la famille ou de l’intimité de Mahomet, et dont la plupart finirent par se faire chrétiens. Un poète très admiré prédit la venue d’un prophète et crut un temps l’être lui-même. De telles aspirations, de tels essais devancent toujours et annoncent l’heureux mortel qui doit satisfaire et représenter son temps et son pays. Tel est le milieu où naquit le fils d’Abdallah, le descendant d’Adnan, le successeur de Cossay, à qui fut donné le nom jusqu’alors inconnu de Mohammed ou le Glorifié.

L’histoire lui attribue tous les dons de l’homme supérieur. Dès sa jeunesse, maître de ses passions, tempérant, chaste, sage, il obtint l’estime, la confiance, la déférence, et sa piété réfléchie se forma dans la méditation et la retraite. Selon l’usage des prophètes, des hommes de Dieu, il allait dans la solitude sonder ses reins et son cœur, et s’interroger sur sa foi et ses devoirs. Il soupçonnait bien sa mission, il croyait entendre des voix ; mais il doutait encore lorsque dans un songe il vit l’ange Gabriel, qui lui dit : « O Mohammed, tu es l’envoyé de Dieu ! » Cependant il ne se décida que lorsque dans sa retraite, au pied du mont Hira, étant bien éveillé, il crut revoir l’ange sous une forme humaine et entendre de lui les mêmes paroles. C’est là tout le surnaturel de la vocation de Mahomet.

« Croire à un Dieu unique créateur du ciel et de la terre, plein de miséricorde et de bonté, auteur de toutes les merveilles que la nature offre à nos yeux, croire à une autre vie où les bons seront récompensés et les méchans seront punis, prier Dieu matin et soir après s’être purifié par des ablutions, pratiquer toutes les vertus et surtout l’aumône, enfin reconnaître Mahomet pour l’envoyé de Dieu et lui obéir à ce titre, tel était, dit M. Barthélémy Saint-Hilaire, le dogme qui allait régénérer l’Arabie et renverser l’idolâtrie à laquelle elle était livrée. » Tel était l’islam, c’est-à-dire l’abandon à la volonté de Dieu, — la religion des mouslim ou musulmans, c’est-à-dire des croyans.

Mahomet avait quarante-deux ans lorsqu’il commença à prêcher autour de lui, et aussitôt il montra son ascendant sur les hommes