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attaqué par des forces considérables : les contingens voisins de Santa-Anna, de Tlacotalpan, du Miadero, du Conejo, villages dont les dispositions hostiles étaient connues, prévenus par leurs avanzadas (vedettes) et la fusillade, ne viendraient-ils pas grossir la guérilla de Tlaliscoya ? Le manque de munitions donnait à songer. Les sentinelles furent doublées ; mais il devenait indispensable de se procurer sans retard des bateaux pour communiquer avec l’autre rive du torrent et pouvoir au besoin battre en retraite ou appeler à soi toutes ses forces. Les notables affirmèrent que les guérillas avaient emmené avec eux tous les bateaux. Il fut décidé que, le lendemain matin à cinq heures, les deux canots affectés d’ordinaire au passage de la rivière seraient avec leurs bateliers devant les degrés de la maison de Billegas. La liberté fut rendue à deux des notables, avec mission d’aller en personne à la découverte. Si à l’heure dite les deux notables, connus pour amis des guérillas, n’étaient pas de retour, leurs maisons seraient incendiées ; puis, de demi-heure en demi-heure, chacun des quatre notables restés à Tlaliscoya serait fusillé. Chaque demi-heure de retard en outre coûterait 1,000 piastres (5,000 francs) aux habitans. Ces dispositions prises, les officiers, qui depuis le matin n’avaient ni bu ni mangé, songèrent aux affaires sérieuses, c’est-à-dire au souper. Il était déjà deux heures du matin. Billegas offrit galamment à ses hôtes un repas vraiment royal et tout gratuit. Sans nul doute, cette table somptueusement servie était destinée aux chefs des guérillas, dont le quartier-général avait été, quelques jours auparavant, installé en face, dans un café appartenant au noble amphitryon. On y avait trouvé des soucoupes pleines de poudre et de capsules, Avant de faire honneur aux plats, on invita Billegas a les déguster le premier ; il y avait lieu de craindre qu’un peu de poison ne fût mêlé aux sauces. Une fois cette formalité accomplie, les vins généreux circulèrent, et la santé de la France fut portée par tous les convives, par Billegas lui-même, qui ne se permit aucune hésitation.

Vers trois heures du matin, on entendit une bande affolée de cavaliers traverser la ville au galop. C’étaient les fuyards de la fameuse embuscade qui rejoignaient leurs compagnons d’armes épars aux quatre vents. A cinq heures, les deux embarcations si bien cachées par les guérillas étaient amarrées devant la maison de Billegas ; à sept heures, toutes nos troupes s’étaient ralliées dans la ville. Dès le matin, on recueillit les armes abandonnées par l’ennemi dans sa déroute. Le butin se composa de quatre-vingt-quatorze fusils, de quelques lances, du drapeau de la cavalerie, brodé or et argent, du guidon de l’infanterie, d’un tambour d’origine américaine, d’un trombone et de la canne de commandement de