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quand, on apprit que les Danois, alliés des Russes, avaient envahi la Suède. Leur armée, franchissant la frontière sud-est de la Norvège, province qui leur appartenait alors, s’était emparée de tout le pays au nord de Gothenbourget menaçait déjà cette grande ville, la seconde de la Suède. En apprenant cette nouvelle, Gustave s’écria : « Je suis sauvé ! » En effet, les conjurés de Finlande ayant commis la faute de le laisser partir, il arrive précipitamment en Suède, évite de se montrer dans Stockholm, où il eût retrouvé ses adversaires, mais se rend dans la vieille et patriotique province de Dalécarlie. C’est là que Gustave Vasa jadis a trouvé contre le tyran Christiern un refuge assuré et d’utiles secours. Gustave se rend aux mêmes lieux que le souvenir de son célèbre prédécesseur a consacrés ; il harangue les Dalécarliens, lui aussi, du haut de la pierre de Mora, ainsi qu’à Leksand, Tuna et Fahlun. Il leur parle le simple langage que leurs aïeux ont entendu : « L’étranger souille le sol sacré de la patrie ; trahi par les nobles, j’ai besoin de vos bras. » En quelques jours, il est en marche avec six mille Dalécarliens pour aller défendre Gothenbourg. Cette ville, qui s’attendait à un assaut des Danois, et qui était dépourvue de défense matérielle, ne songeait qu’à se rendre ; le commandant de la place avait déjà fait transporter tout son bagage. Il supplie Gustave III de ne point penser, même avec le secours qu’il amène, à une résistance qui peut amener les plus grands malheurs. Gustave, reçu avec acclamation par le peuple et fort de l’assentiment patriotique des principaux bourgeois, lui répond en lui désignant un successeur immédiat, fait sauter l’unique pont par où la retraite est praticable, et répond aux sommations du général ennemi que la place est décidée à se voir réduire en poussière plutôt que de se rendre.

Il n’y a pas lieu de douter que Gustave et la garnison de Gothenbourg n’eussent fait honneur à cette périlleuse réponse : un nouvel incident vint les dispenser d’en subir l’épreuve : c’était la triple intervention de la France, de la Prusse et de l’Angleterre. La France n’avait pas pu arrêter Gustave au début de son aventureuse entreprise contre la Russie ; elle fut par lui-même appelée à le tirer d’embarras : c’est ce que révèle la correspondance diplomatique. Gustave III avait en même temps invoqué la médiation de la ligue anglo-prussienne, à qui il ne convenait pas en effet de laisser grandir la puissance de la Russie. Elles sommèrent le Danemark de rentrer dans les limites de la neutralité. Le ministre anglais à Copenhague, M. Elliot, alla trouver immédiatement le chef de l’armée danoise et lui déclara que, si son armée ne se retirait pas sans rien prétendre, la flotte britannique allait bombarder Copenhague ; le ministre de Prusse annonçait, dans le même cas, une invasion du Holstein. Ainsi, contre l’indigne trahison de sa noblesse, au moment