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plutôt en-deçà de la pensée de M. Saint-Hilaire telle qu’elle ressort de tout son ouvrage ; la notice, d’ailleurs très bien faite, de M. Reinaud nous suggérerait bien, quelques doutes : M. Saint-Hilaire pourrait sembler trop porté à dégager de leurs défauts accidentels et de leurs erreurs particulières soit les hommes, soit les doctrines du passée pour les ramener à ce que les uns et les autres présentent de véritablement grand, d’essentiellement bon ; d’éternellement vrai, et peut-être lui reprochera-t-on d’avoir trop simplifié Mahomet et sa doctrine ; Je sais que sa philosophie le rend bienveillant en général envers toute religion ; mais je sais aussi que c’est un esprit droit et solide qui n’aime que le vrai, et en conscience je m’en rapporte à lui. Il sera mon garant. Loin de lui chercher querelle, et en nous aidant de son travail, en nous éclairant de ses lumières, présentons à notre façon les idées générales qui résultent pour nous d’un ouvrage qu’il a su rendre aussi intéressant qu’instructif, et cherchons quelle place Mahomet et l’établissement du mahométisme paraissent devoir occuper dans l’histoire des religions.

On a vu plus haut qu’un retour à quelques-uns des faits les plus connus de l’histoire sainte suffisait pour nous donner une première idée de l’état religieux des peuples de cette partie de l’Asie occidentale que les chrétiens et les musulmans regardent comme la terre natale de la vraie foi. La narration biblique, c’est-à-dire les annales du plus connu et pour nous du plus important des anciens peuples sémites, devait en effet nous indiquer les traits généraux qui caractérisent cette branche de la famille humaine, regardée souvent aujourd’hui comme la gardienne et la propagatrice privilégiée du dogme de l’unité de Dieu. Qu’une telle gloire lui, ait constamment et exclusivement appartenu, c’est une assertion dont nous ne pouvons répondre ; néanmoins nous accordons aux habiles gens qui l’ont produite que cette race, pleine de disparates, a montré avec de fâcheuses tendances à l’idolâtrie une aptitude particulière à concevoir le monothéisme. Non-seulement le peuple juif l’a sans interruption professé dans ses livres sacrés, et y est revenu sans cesse malgré des égaremens accidentels, mais jusque chez ces nations étrangères qu’il frappait de ses anathèmes l’idée d’un créateur unique et d’un souverain maître se faisait jour à travers toutes les illusions d’une superstition crédule. Il y avait bien autour du royaume d’Israël ce qu’un auteur appelle encore une Palestine païenne ; les Chananéens honoraient la nature ou le soleil dans Baal. Chez eux comme chez les Philistins, et surtout à Sidon, Astarté avait des autels. Moloch était le dieu des Ammonites,, et Dagon, divinité syrienne, recevait de pieux hommages dans les murs d’As-