et la reine, malgré cette apparente insensibilité qui la faisait nommer la statue du commandeur, était fort estimée. Un accident fit évanouir les espérances qui avaient promptement suivi cette réconciliation ; mais trois ans après la reine mit au monde un fils qui devait être l’infortuné Gustave IV. Deux années plus tard, elle eut de nouvelles espérances qui furent encore trompées, et en 1782 enfin naquit son second fils, le duc de Smoland, dont la reine de France, Marie-Antoinette, fut la marraine, mais qui ne vécut que sept mois. Personne n’ignore de quels bruits injurieux la première de ces deux naissances fut le prétexte. On prétendit, — et Louise-Ulrique fut la première à accueillir de telles assertions, — que la naissance de Gustave IV était illégitime. On insinua plus tard que, du consentement du roi, un divorce suivi d’un mariage secret de Sophie-Madeleine avec Munck avait seul assuré la descendance royale. Il est aisé de comprendre combien les passions politiques durent exploiter ces étranges récits après la révolution de 1809, quand la Suède, ayant détrôné Gustave IV, avait pour roi le vieux Charles XIII, sans enfans, et qu’il s’agissait d’empêcher une restauration au profit de la légitimité. Bernadotte avait toujours dans son tiroir un manuscrit intitulé Anecdotes de Suède, qui contenait, assurait-on, toutes les preuves, et le Moniteur français lui-même, lorsque Gustave IV s’obstinait à désigner le souverain de la France du seul nom de M. Buonaparte, menaçait de n’employer à son égard, en face de l’Europe, que la désignation de M. Vasa, fils de M. Munck. Il résulte cependant d’une très soigneuse enquête récemment encore entreprise sur ce problème historique par M. le baron de Beskow, auteur d’une excellente histoire de Gustave III, qu’une telle accusation, qui aurait dû, si elle eût été fondée, se produire en 1775 et se renouveler en 1780 et 1782, n’a pris naissance que dans les haineux calculs d’une opposition politique. Le désordre des mœurs, qui s’était propagé depuis le milieu du siècle dans les hautes classes, et contre lequel nous avons noté seulement quelques nobles efforts de réaction, l’habitude familière du scandale, le mépris et presque le ridicule où étaient tombés les liens du mariage, avaient fait adopter aisément des rumeurs calomnieuses. Gustave, en de si cruelles circonstances, dans l’humiliation qu’elles lui infligeaient, ainsi qu’à la reine, en présence de la cour et de la nation, dans ses amers démêlés de famille, jusqu’au lit de mort d’une mère dénaturée, paya autant la peine des vices de son temps que d’une évidente faiblesse de caractère qui le rendit incapable de dominer des périls tout intérieurs et domestiques.
Ce serait assez de tels dégoûts pour expliquer l’insatiable ardeur avec laquelle Gustave, ne sachant où se prendre, rechercha l’excès