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les unir à la race aryenne. Ces sémites, qui ont joué pourtant un rôle important dans l’humanité, offrent un trait particulier : c’est qu’a une seule et grande exception près, toutes leurs origines, celle de leurs langues, de leurs religions, de leurs institutions, de leurs littératures, sont très mal et très difficilement connues. On serait fondé à dire que ce sont des races peu historiques. Du moins, toujours à l’exception des Juifs, écrivaient-ils très peu l’histoire, et ce qu’ils en ont écrit s’est mal conservé. Ces peuples, très obstinément attachés à leurs mœurs, à leurs idées, à leur langage, ont été d’assez mauvais gardiens des monumens de leur antiquité. On les rencontre à présent de l’ancienne Babylonie jusqu’au Maroc, de la Syrie jusqu’à l’Yémen, et sur ce champ si vaste et si divers l’histoire trouve à élever une foule de problèmes, sans presque jamais rencontrer les élémens dont elle aurait besoin pour les résoudre.

Nous l’avons dit, il y a une grande exception, et c’est la Bible. Non-seulement le récit biblique nous intéresse parce qu’il contient en quelque sorte l’arbre généalogique de nos religions d’Occident, mais encore parce que, pris simplement comme document historique, il nous offre, dans une conservation à peu près parfaite, l’histoire presque ininterrompue des croyances, des mœurs et des événemens pour une branche importante de la grande famille sémitique ou, si l’on veut, de la grande famille humaine, avec une suite, une réalité, un détail dont on ne trouverait pas d’autre exemple. Je n’ai ni goût ni droit à ces hardiesses de la critique moderne qui de ce texte respecté, fait un témoignage à discuter ; mais en lui reconnaissant toute l’autorité d’un monument authentique, en remarquant que peut-être la fondation et la destinée d’une religion n’ont jamais été aussi exactement racontées que dans l’Ancien Testament, on doit cependant observer qu’il s’en faut que ce document unique en son genre nous fournisse toutes les lumières nécessaires pour expliquer pleinement soit le début et le mouvement des choses religieuses dans le milieu oriental où ; le judaïsme était placé, soit la manière dont s’est établie dans la terre de Chanaan d’abord la tradition d’Abraham, puis celle de Moïse, au sein des croyances préexistantes des peuplades phéniciennes antérieures aux Hébreux. Cette insuffisance, qui n’a nulle gravité pour l’interprétation chrétienne de l’Ancien Testament, on ne la relève ici que parce que le judaïsme repose sur la même base que le mahométisme, dont il nous tarde de nous occuper, et parce qu’il importait de montrer de quelles lacunes et de quelles ténèbres sont généralement environnées les antiquités religieuses des nations, même quand on a le bonheur d’avoir devant soi un recueil de traditions aussi explicites, aussi développées, aussi concordantes que la collection des livres saints.