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ment fausses, dont les meilleures ne sont pas intégralement vraies, cette solution téméraire laisserait subsister un ordre de chose singulier dans lequel la vérité en matière divine, au lieu d’être livrée aux recherches de la science et découverte par un travail méthodique et désintéressé, est déterminée par des événemens historiques et se résout pour les hommes, non en systèmes, mais en institutions ; car telles sont les religions en ce monde, et c’est le seul point qui nous intéresse en ce moment et que nous ayons à considérer en étudiant l’excellente histoire de la fondation du mahométisme Récemment publiée par M. Barthélémy Saint-Hilaire. Il est trop évident qu’ici nous avons affaire à une institution, non à une révélation.


I

L’histoire des religions est à peine commencée. Ce n’est que d’hier qu’on a conçu l’idée et cherché les moyens d’expliquer par l’origine, la nature et la succession des faits, le développement en progrès ou en déclin des grandes choses sociales, comme la constitution des états, l’organisation civile, l’établissement religieux. Plus récemment encore, la critique s’est unie à l’érudition par des liens assez intimes pour recueillir et discerner les monumens primitifs de la naissance de ces grandes choses, monumens obscurs, rares et confus, surtout quand il s’agit des traditions et des coutumes sacrées. Aussi le premier mouvement de l’esprit philosophique aurait-il été d’écarter des recherches incertaines et difficiles, et prenant, sur la foi d’une observation que l’exemple de tous les peuples confirme le sentiment ou le besoin religieux comme un fait général, comme une des données constantes de la nature humaine, de l’examiner en lui-même, d’en retrouver l’origine, d’en décrire la nature, d’en constater la portée et les conséquences. On aurait ainsi écrit une histoire purement psychologique de la religion. On risquait à ce travail ce qu’on risque toujours, quand on se place exclusivement au point de vue de la psychologie, de réduire la chose qu’on étudie à un phénomène de l’âme. Dans cette hypothèse, la religion pourrait être à la rigueur un état d’esprit qui ne correspondrait à rien de réel en soi et qui n’aurait d’autre objet effectif que les croyances et les institutions arbitrairement enfantées par l’imagination humaine, toujours prompte à donner une forme extérieure aux conceptions abstraites de la raison. Ainsi il y aurait des croyances et des cultes sur la terre, et rien au-delà. Heureusement toute bonne philosophie, même guidée à l’origine paria méthode psychologique, reconnaît dans la raison humaine l’organe de la vérité, et, ne se bornant pas à distinguer et à dénombrer nos