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gleterre ont la complaisance de s’y laisser prendre. La Prusse et l’Autriche nourrissent l’une envers l’autre une bien ardente jalousie ; mais elles méprisent encore plus la diète qu’elles ne se détestent entre elles. Les deux grandes puissances allemandes affectent de mettre la diète en avant toutes les fois qu’elles veulent opposer à la France et à l’Angleterre des refus dont elles n’osent pas prendre directement l’initiative et la responsabilité. Dans ces circonstances, la diète a bon dos. S’il s’agit de mettre des bâtons dans les roues, ce sont les interminables lenteurs de la diète que l’on encourage sous main et que l’on a l’air de déplorer tout haut : c’est ce qu’on a vu pendant toute la durée de la guerre d’Orient. Au contraire, si, comme ce fut le cas dans l’affaire des duchés, on veut brusquer les choses, la diète a le diable au corps, on ne peut plus la tenir ; il n’y a qu’un moyen de l’empêcher de commettre les témérités les plus périlleuses, c’est d’aller plus vite qu’elle, et par exemple d’envahir le Slesvig quand l’exécution fédérale est commencée contre le Holstein. En revanche, quand les cours de Vienne et de Berlin ont à cœur de terminer une affaire soit entre elles, soit avec une puissance européenne, elles congédient brutalement la diète, elles l’envoient promener sans cérémonie ; au besoin, elles prennent volontiers des étrangers plus scrupuleux à témoin de ce singulier sans-façon. Il n’est pas une négociation de ce genre où des ministres de France et d’Angleterre n’aient reçu des ministres de Prusse ou d’Autriche, suivant l’occurrence, des confidences comme celles-ci : — Ne vous préoccupez point de la diète, une seule chose est nécessaire, c’est que Vienne et Berlin soient d’accord ; ce que Vienne et Berlin auront décidé sera sans discussion enregistré par la diète. — : C’est justement ce qui arriva en 1852 pour le traité de Londres relatif à la succession danoise. Quand on parlait aux Autrichiens et aux Prussiens de demander pour ce traité l’adhésion de la confédération : Gardez-vous en bien, s’écriaient les ministres des grandes cours allemandes, cela ne la regarde point, nous nous portons forts pour elle ! — Et plus tard on devait cependant alléguer contre la validité de ce traité le défaut d’adhésion de la diète !

Nous espérons qu’un jeu si éventé ne fera plus de dupes, et que les gouvernemens de France et d’Angleterre ne prêteront plus les mains, même par une crédulité apparente, à cette mystification organisée qui s’appelle la confédération germanique. L’organe principal de la presse anglaise, le Times, exprimait naguère son entière sympathie pour le jugement que nous s avons porté sur les arrangemens de Gastein. Le Times ne faisait qu’une réserve : il supposait que nous aurions voulu pousser jusqu’à un appel à la force des armes les opinions que nous avons soutenues dans la question danoise. Ce journal pense, comme nous, que des remontrances énergiques, présentées conjointement au début par la France et par l’Angleterre, eussent arrêté la Prusse et l’Autriche et contribué à obtenir pour l’affaire des duchés une solution équitable et raisonnable ; mais il croit que