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dement que la force, d’autre signification que la convenance réciproque des copartageans. Elle constate que la violence et la conquête, ainsi substituées aux principes qui règlent la vie des sociétés modernes, sont un élément de trouble et de dissolution, et ne peuvent que bouleverser l’ordre ancien sans édifier solidement aucun ordre nouveau. On ne saurait mieux dire. Quand on se rappelle les antécédens de cette question, on n’est point surpris que les arrangemens de Gastein aient ému la susceptibilité de notre cabinet. Il semble qu’à la fin de 1863 et au commencement de 1864 notre politique ait caressé l’illusion de gagner la popularité allemande. On n’a point oublié la lettre écrite à l’empereur par le duc d’Augustenbourg et les expressions favorables à la politique des nationalités que contenait la réponse impériale. Pour ne point gêner la satisfaction d’une aspiration de la nationalité allemande, le gouvernement français s’abstint de réclamer l’exécution rigoureuse du traité de Londres, auquel il avait donné sa signature. Notre gouvernement parut croire que l’occasion était bonne pour resserrer nos liens avec les états moyens d’Allemagne, dont les ministres avaient la tête si montée à propos du Slesvig-Holstein. Quand il fut question de la conférence de Londres, c’est la France qui insista pour que la diète y fût représentée, c’est la France qui ouvrit à M. de Beust l’accès de cette imposante et impuissante assemblée où le petit ministre saxon fit un si grand personnage. La France enfin, dans cette conférence où la cause du Danemark fut moralement sacrifiée, exprima au moins une réserve en faveur des droits d’autonomie des populations des duchés, et réclama l’agrégation au Danemark de l’élément danois du Slesvig. Ce n’étaient là si l’on veut, que des manifestations morales, et le matérialisme politique de notre époque fait bon marché des professions de principes, des avertissemens et des vœux qui ne sont point suivis des sanctions de la force. Il faudrait cependant que nous fussions descendus bien bas et que nous fissions bien peu d’estime de notre propre honneur, si nous consentions à reconnaître que des manifestations morales de la France pussent être comptées pour rien dans les conseils de l’Europe. Or, dans les arrangemens de Gastein, les populations slesvig-holsteinoises ne sont point consultées et perdent leur autonomie ; les états moyens d’Allemagne et la diète, dont la France a reconnu et patronné le droit à intervenir dans le règlement de l’affaire des duchés, sont mis à l’écart. En un mot, il n’est fait nul cas de nos avis et de nos réserves. Il n’est pas possible qu’une telle conduite ne soit point ressentie par un gouvernement français. La dissimulation de notre juste mécontentement ne serait point une sauvegarde pour notre dignité. Il peut nous convenir momentanément de ne point nous oppose, par la force aux actes arbitraires qui se commettent en Allemagne, mais il ne saurait nous convenir de garder devant ces actes un silence qui serait pris pour une inerte résignation.

Nous applaudissons donc de très grand cœur à la digne et sévère protes-