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en 1855 à 20,000 fr. Sauf celui de la ville de Paris, c’est le plus important de l’année ; il correspond au Derby anglais et a pour objet de faire connaître la valeur respective des poulains de trois ans. Chantilly eut dès lors chaque année ses courses d’automne et ses courses de printemps, qui, réservées d’abord à un public spécial, sont devenues, depuis l’établissement du chemin de fer, une fête parisienne à laquelle tous ceux qui se piquent d’élégance se croient tenus de se montrer. Là aussi se sont groupées la plupart des écuries d’entraînement avec leur monde de grooms et de jockeys.

A Paris, les courses avaient autrefois lieu au Champ-de-Mars, dont le terrain, sablonneux et dur tout à la fois, faisait le désespoir des sportsmen. Les nombreuses réclamations auxquelles il donnait lieu furent enfin entendues, et l’on profita de la transformation du bois de Boulogne en promenade publique pour créer le bel hippodrome de Longchamp, que tout le monde connaît. Sa proximité de Paris, sa magnifique situation, en firent un but de promenade, et contribuèrent à répandre le goût des courses et des chevaux dans une partie du public qui jusqu’alors y était restée indifférente.

Dans le principe, la Société d’encouragement rencontra peu de bonne volonté de la part de l’administration des haras, qui ne voyait pas sans inquiétude une société particulière faire bon marché des traditions administratives et s’occuper de la question chevaline sans lui demander son avis. L’administration finit cependant par embrasser sa rivale, ne pouvant l’étouffer, et par se servir de son intermédiaire pour la distribution des prix qu’elle accordait aux chevaux pur sang, en se réservant, bien entendu, le droit d’imposer ses conditions et d’envoyer ses inspecteurs pour en surveiller l’exécution[1]. On ne compte pas aujourd’hui en France moins de cent cinq hippodromes, dont les principaux, après ceux de Chantilly et de Paris, sont ceux de Versailles, Fontainebleau, Caen, Bordeaux, Moulins, etc. Ceux de La Marche (près de Saint-Cloud) et de Vincennes sont spécialement réservés aux courses d’obstacles.

Les chevaux français n’osèrent pas pendant bien longtemps se risquer à lutter contre les chevaux anglais. Leur infériorité était si notoire qu’ils recevaient une décharge de dix livres sur les hippodromes d’Angleterre ; mais les succès que remporta Monarque, à M. de Lagrange, en 1857 et 1858, leur firent retirer cette faveur. Peu après, cet habile éleveur, associé à M. de Nivière, fonda à 3Vewmarket même une écurie d’entraînement où il envoyait ses

  1. Les prix distribués en 1861, non compris les entrées, se sont élevés à 1,724,245 fr., somme dans laquelle la part contributive de l’état a été de 505,450 fr. ; — celle de la liste civile de 97,000 fr. ; — celle des sociétés hippiques, villes, départemens, etc., de 1,121,795 fr.