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cruautés du compte-rendu judiciaire. Le procès de lunatico intenté au jeune Wyndham par exemple, celui qui nous révélait hier encore, dans la personne de miss Cross, jusqu’où peuvent descendre les fantaisies conjugales d’une jeune personne bien née, portent avec eux des enseignemens plus terribles et jettent sur le désordre moral des classes aristocratiques en Angleterre un jour tout autrement vif que le « fouet de feu » dont le nouveau Juvénal avait cru se servir. Cette verge de feu était tout simplement une cravache de gentleman maniée avec grâce et discrétion. Loin de cautériser la plaie saignante, elle laissait à peine quelques vestiges sur l’épiderme environnant, et si quelques vivacités malsonnantes, — supprimées à la seconde édition, — purent motiver cette accusation, « qu’en voulant souffleter le vice le poète avait fait rougir la vertu, » somme toute, ces rougeurs ne durent naître que sur des joues virginales. En effet, les romanciers les plus accrédités dans leurs ouvrages les plus populaires, — Thackeray dans Vanity Fair, Dickens dans Hard-Times, Bulwer lui-même dans mainte de ses fictions, avaient abordé le même ordre d’idées, formulé des griefs beaucoup plus graves, et donné à leur blâme un relief au moins égal.

Sous un seul rapport, de pure forme, leur successeur se distinguait d’eux. Il avait pour lui un vers net, rapide, à l’accent byronien, rappelant tantôt Pope et tantôt Churchill, riche en antithèses et tout parfumé de classique ambroisie. On ne peut donc s’étonner que le poème intitulé the Season ait conquis du même coup les privilèges et subi les inconvéniens d’une incontestable notoriété. Si nos souvenirs sont exacts, l’éditeur lui-même de cette œuvre déclarée abominable se vit traduit à la barre de l’opinion et forcé de confesser humblement sa faute. Le hue and cry, la clameur de haro s’élevait de toutes parts. Avec un lord-chancelier comme le fut lord Eldon, M. Austin eût peut-être encouru les sévérités qui frappèrent Shelley. Dieu sait pourtant s’il y avait lieu à malentendu pareil. Suppléant à l’intervention absente de la police judiciaire, quelques feuilles littéraires voulurent se faire les organes de l’indignation rigoriste qui s’était ainsi manifestée. Malmené, rudoyé comme Byron, M. Austin, qui semblait avoir à cœur de l’imiter en tout point, crut se devoir une vengeance pareille. My satire and its Censors fut la contre-partie, trop exacte hélas ! du virulent anathème lancé par l’auteur des Hours of idleness aux « poètes d’Angleterre et critiques d’Écosse. » Les « censeurs, » ainsi traités du haut en bas, se gardèrent sagement de descendre dans l’arène où semblait les appeler leur irritable adversaire, et celui-ci put se flatter de les avoir réduits au silence. Le silence, qu’avaient-ils de mieux à lui opposer ? M. Austin a pu se convaincre depuis lors que c’est là précisément l’ultima ratio de leur royauté