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n’exige un aussi rude épiderme qu’en Amérique. « On ne peut douter, dit le Chicago-Tribune, que Mac-Clellan ne soit entré dans un complot avec les ***, qui sont les plus gros porteurs de bons confédérés en Europe, pour replâtrer, s’il est élu, une paix déshonorante et forcer les États-Unis à reconnaître la dette des rebelles. ». D’autres se demandent « combien Mac-Clellan a reçu. » Les journaux sont constamment au-dessus ou au-dessous du ton, et passent des plus grossières inconvenances à des dithyrambes lyriques. Ils ne se contentent pas de parler aux oreilles et de les déchirer, il faut encore qu’ils parlent aux yeux. Ils publient par exemple en tête de leurs colonnes les portraits rapprochés des deux candidats : le général Mac-Clellan en habit militaire, brillant, martial, la moustache frisée, l’air conquérant, — et un affreux Lincoln, noirâtre, bilieux, hypocondre, revêche, avec un regard oblique qui semble méditer quelque horrible scélératesse. On lit d’un côté : notre candidat, — et au-dessous : sa plate-forme, un drapeau de l’Union flottant sur le monde ; de l’autre : leur candidat, le tyran et le faiseur de veuves du XIXe siècle, — sa plate-forme, une charretée de nègres.

L’argument est irrésistible : toutes les femmes seront pour Mac-Clellan. Il paraîtrait cependant qu’elles en sont peu émues. Un journal de Saint-Louis mentionne avec étonnement que, dans le dernier train d’Alton à Chicago, les passagers s’étant amusés à faire une de ces épreuves ou test-votes qui sont en temps d’élection la distraction favorite des bateaux à vapeur et des chemins de fer, Lincoln obtint parmi les ladies une plus grosse majorité que parmi les gentlemen. S’il est le « faiseur de veuves, » Mac-Clellan en revanche est le « fossoyeur qui creuse des tombes. » Un journal illustré montre le général et sa bande traînés dans le char de Jaggernaut par l’Avarice, la Tyrannie et la Lâcheté, écrasant sur leur passage les nègres prosternés et conduits par Satan sur le chemin de l’enfer. Et que dites-vous de ce titre d’un article contre le président : « Agonie ! oh ! agonie ! » — ou des dix points d’exclamation qui suivent le nom de Mac-Clellan ? La grosse caisse est l’instrument national des Américains ; ils ne savent aller en guerre ni en campagne politique au son d’une autre musique. Il y a chez