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Voilà un curieux spectacle pour un Européen paisible, accoutumé aux ingénieuses restrictions de nos lois électorales et à l’exercice modeste de nos libertés. Un comité de neuf cents membres formé visiblement pour renverser l’administration, une réunion électorale usurpant les attributions d’une assemblée souveraine et osant opposer son candidat officiel à celui du gouvernement, une ville enfin transformée tout entière en un club immense ouvert à tout un peuple, ce sont des choses monstrueuses, inouïes, qui bouleversent tous nos principes d’ordre social ; pour tout dire en un mot, c’est un état dans l’état. Nous voulons bien la liberté politique, mais sans le scandale de l’organisation des partis et de ces insurrections permanentes auxquelles ils affilient la moitié des citoyens. En Amérique au contraire les partis sont pour ainsi dire des institutions publiques, et tout le monde voit dans leur organisation puissante la condition indispensable d’un exercice sérieux et régulier des libertés démocratiques. Pas une entreprise, pas un meeting, qu’il s’agisse de politique ou de science, de religion ou de plaisir, d’une course de chevaux ou de l’élection d’un président, qui ne s’organise tout d’abord en corps politique. Après quatre ans d’une guerre civile qui met la nationalité en péril, telle est encore l’inviolabilité du droit d’association, que tout un parti peut s’entendre pour prêter ouvertement un appui moral aux rebelles. Depuis que la république existe, toutes les grandes crises qu’elle a traversées ont ramené périodiquement ces conventions nationales où les opinions se concertent et comptent leurs défenseurs. Chaque état a ses députés nommés dans les formes, un nombre de votes proportionnel à sa population : moitié de la délégation représente l’état tout entier, — ce sont les délégués at large ; l’autre moitié représente spécialement chaque district. Ce n’est pas là un conciliabule séditieux, c’est la représentation libre et régulière d’une des opinions qui se partagent le pays.

Au début, les peace democrats montrèrent beaucoup de modération. M. Belmont, président du comité national démocratique, qui siège en permanence à New-York, prononça un discours d’ouverture où il les priait d’oublier leurs différends et de s’unir aux war democrats pour la défense des idées communes. Vallandigham et les deux Wood avaient pris, au nom des sécessionistes avancés, l’engagement d’accepter, quel qu’il fût, le candidat nommé par la convention, « à moins pourtant, avait ajouté Benjamin Wood, que les démocrates de la paix n’eussent à leur tour leur convention opposée à celle de Chicago. » Les candidats possibles étaient MM. Nelson, Guthrie, O’Connor, Seymour et Mac-Clellan, les deux derniers seuls sérieux. Seymour, dont le nom semblait préféré par quinze