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quelques semaines du mois de juillet à Aix-la-Chapelle, pour y prendre les eaux se rendit à Spa, d’où il écrivit au comte de Creutz que son intention était de se rendre à Paris. Il avait projeté d’entraîner la France dans une guerre contre le Danemark et il avait fait la faute de laisser pénétrer ses intentions. Aussi le prudent ministre des affaires étrangères, M. de Vergennes, lui fit-il répondre que sa présence à Versailles serait également compromettante en ce moment pour lui et pour ses alliés. Gustave se vit donc obligé de renoncer ; pour cette fois encore au voyage depuis si longtemps projeté, et il dut s’en consoler en tenant sa cour à Spa, où ses meilleurs amis lui vinrent faire visite. Mme de La Marck et Mme de Boufflers avaient, bien entendu, pris les devans ; chacune avait loué à Spa un hôtel leplus près possible de celui qu’habitait Gustave.


« Le roi de Suède est toujours à Spa avec la société française ; , écrit le ministre de Danemark à, Paris le 7 août 1780. Il y a beaucoup de rivalité entre Mme de Boufflers et Mme de La Marck, parce qu’il montre beaucoup d’assiduité pour celle-ci, sans cependant négliger l’autre, qui dit qu’elle n’est pas venue pour voir sa majesté le roi de Suède, mais son ami particulier. ― il aime à redire l’histoire de la dernière révolution ; on la lui fait répéter souvent, et il la conte, dit-on, fort bien, avec des circonstances jusqu’ici inconnues du public qui lui donnent plus d’intérêt. Il montre un désir extrême d’aller à Paris, sans pouvoir toutefois le satisfaire. À Aix-la-Chapelle, il a été obligé de quitter l’incognito pour voir certaine relique qu’on ne découvre que tout les sept ans, et que Mme de La Marck, qui est fort dévote, désirait vivement de voir. Le chapitre exigea que ce prince prit pour cette occasion le caractère de roi. En même temps on lui a offert quelques, reliques qu’il vient d’envoyer à la maréchale de Noailles, belle-sœur de la comtesse de La Marck. Il soupe tous les jours chez cette comtesse, où toutes les dames de la société s’assemblent. Il aime fort le jeu et y est très heureux, mais très noblement. »


Cette société française et étrangère accourue vers Gustave III comptait de grands personnages : le duc de Chartres, sous le nom de comte de Joinville, le margrave de Bayreuth, les comtes d’Avaux et de Castellane, le comte et la comtesse d’Usson, la duchesse d’Ahrenberg, la princesse Orlof, les marquises de Brunoy et de Coigny ; et la princesse de Croy. Celle-ci paraît avoir été, ou peu s’en faut, la Roxelane que Taube avait prédite : Gustave lui fit tout particulièrement accueil, et ne retourna pas dans ses états sans lui avoir été rendre sa visite au château qu’elle habitait près de Bruxelles.

De retour en Suède, Gustave s’y trouva plus que jamais à l’étroit. Les difficultés qu’il commençait à rencontrer dans son gouvernement excitaient son impatience. En même temps, comme l’ambition