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après chavirement ; choc contre un corps immobile, tour, montagne ou falaise ; abordage entre aéronefs ? » Pourquoi étudier d’avance les changemens que subira la thérapeutique et les nouvelles règles d’hygiène qu’il conviendra d’adopter lorsque l’homme aura pris l’habitude de se transporter à travers l’atmosphère ? Pourquoi nous inspirer l’horreur des chemins de fer où l’on voyage « dans d’horrible boîtes d’un intolérable lenteur, au prix de mille supplices insupportables, » où l’on est secoué par un affreux mouvement de lacet, au milieu « d’un bruit infernal de chaînes, de bois et de vitres heurtés, », tandis que des flots de poussière « couvrent de leur linceul étouffant le voyageur infortuné ? » Sans doute les routes de l’air sont charmantes, et il nous plairait de nous y diriger à notre gré « sans heurts, ni secousses, ni bruit, ni poussière, ni fatigue ; » mais les perspectives merveilleuses qu’on présente au public le laisseront sans doute assez froid tant qu’on n’aura point fait pour se rapprocher du but, quelque pas décisif.

On aurait mal compris, notre pensée si l’on nous prêtait l’intention de décourager les personnes qui cherchent précisément à se rapprocher du but au prix de consciencieux et persévérans efforts. Nous, croyons servir leur cause à notre manière en indiquant avec insistance le point précis où les recherches doivent d’abord être dirigées. Plusieurs des membres plus actifs de la Société d’encouragement pour la locomotion aérienne, ceux qui rédigent le journal l’Aéronaute, protestent avec énergie contre « les formules algébriques, » qui sont fausses d’ordinaire pour avoir négligé : « quelque coefficient, » et qui « posent la question de la force motrice dans des termes tels qu’on serait tenté de la regarder comme insoluble. » ; ― Il faut, disent-ils, soutenir le courage des travailleurs. Vous les enrayez, vous les éloignez de leurs études, lorsque, la théorie à la main, vous les menacez de périr à la peine s’ils ne produisent pas un cheval de force sous un poids donné ! — Qu’y faire ? Est-ce donc en fermant les yeux sur un obstacle qu’on peut espérer de le vaincre ? Nous estimons au contraire que rien n’est plus propre à hâter la solution d’un problème que d’en montrer nettement la principale difficulté.


EDGAR SAVENEY.