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Ces barbes mêmes, sont armées d’une grande quantité de parachutes microscopiques qui s’ouvrent en descendant et se replient en montant ; cette disposition est si efficace qu’en prenant à la main la plume d’un grand oiseau et la plaçant dans son sens naturel on éprouve une grande, difficulté, à l’abaissier de plein fouet, tandis qu’on la relève sans aucune peine. Enfin, si on considère la forme générale des ailes, on reconnaîtra qu’elles présentent une surface concave pour battre l’air et une surface convexe pour se relever. La manière dont l’oiseau opère ses mouvemens seconde toutes ces circonstances favorables. M. Emmanuel Liais, qui a étudié, avec soin le vol des grandes espèces, donne à ce sujet des détails intéressans dans plusieurs notes insérées aux comptes-rendus de l’Académie des Sciences. M. Liais a particulièrement observé la frégate, grand oiseau qui fait parfois de longs voyages maritimes. Les battemens d’aile de la frégate sont assez lents pour que l’œil puisse facilement les suivre. Dans un de ces battemens, l’aile descend environ cinq fois plus vite qu’elle ne remonte. Cette différence de vitesse dans les mouvemens alternatifs est d’ailleurs une loi générale du vol des oiseaux, et la différence d’action qui en résulte dans les deux mouvemens serait sans doute suffisante pour permettre au volatile de s’élever verticalement dans l’air alors même que les ailes seraient plates, et que les deux faces en seraient semblables : c’est ce qui arrive par exemple pour certains insectes volans.

Nous sommes loin d’avoir épuisé les particularités curieuses qui se présentent dans le vol de l’oiseau. Voyez un oiseau qui se meut horizontalement en battant des ailes : il n’agite pas son aile tout d’une pièce ; dans un même battement, il la fait pivoter au moins deux fois autour de sa tranche antérieure. D’abord il la présente inclinée d’avant en arrière, il renverse ensuite le sens de cette inclinaison, puis, quand l’aile est au bas de sa course, elle se trouve de nouveau penchée comme au début. Dans ce jeu oscillatoire, l’animal recueille adroitement toutes les composantes verticales que peuvent lui fournir la résistance de l’air chassé devant lui et le mouvement d’appel qui se fait derrière lui. Il y a plus : en suivant attentivement les phases de ce mouvement oscillatoire, M. Liais a reconnu que l’oiseau, relevant son aile en même temps qu’il se meut en avant, arrive à la faire passer tout entière par la trajectoire même que décrit son bord antérieur ; l’aile, en remontant, n’éprouve ainsi de résistance que par sa tranche.

Ce qu’on vient de dire s’applique au vol avec mouvement des ailes ; mais souvent l’oiseau s’avance horizontalement, quelquefois même avec une grande vitesse, sans que l’on voie ses ailes se