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religion de l’état, tandis que les dissenters sont généralement assez pauvres ; or, pour obtenir un secours du trésor public, les congrégations devraient d’abord recueillir parmi elles une somme d’argent le plus souvent au-dessus de leurs moyens. Il ne reste donc alors aux familles dissidentes d’autre ressource que d’adresser leurs enfans à l’école de la paroisse ; mais cette école appartient à l’église d’1ngleterre, et ils ne peuvent y être reçus que par tolérance. Il faut dire que les pasteurs à vues larges ne refusent point d’accueillir au bercail ces jeunes brebis égarées ; pourtant l’instruction religieuse, inséparable ici de l’instruction classique, entraîne plus d’un inconvénient. Dans l’école, on enseigne le catéchisme et d’autres formulaires dont s’alarment quelquefois en secret les parens fortement attachés à l’esprit de leur secte. Le gouvernement, frappé de cet état de choses, et craignant qu’un assez grand nombre d’enfans pauvres ne fussent ainsi tenus à l’écart des sources de l’instruction par les scrupules de leurs familles, voulut dernièrement introduire ce que les Anglais appellent la clause de conscience (conscience clause). C’est une nouvelle condition que dicte l’état à ceux qui acceptent ses secours : il enjoint aux personnes chargées de la direction de l’école (managers) de recevoir tous les enfans de la paroisse, qu’ils appartiennent ou non à l’église d’Angleterre ; il leur interdit en outre de soumettre à l’enseignement des doctrines religieuses ceux dont les parens s’y opposeraient. Une telle clause a soulevé de la part des autorités ecclésiastiques la plus vive polémique dans tout le royaume. Pour le clergé, garder l’école, c’est garder l’église. On ne doit donc point s’étonner de la résistance que rencontre, une pareille mesure, et certes les argumens ne manquent point pour la combattre. Ces écoles d’où l’on veut bannir, du moins en partie, l’enseignement de la foi nationale, n’est-ce point l’argent de l’église qui les a bâties ? Ne sont-ce point les généreux efforts du clergé qui ont soutenu pendant des siècles presque tout le fardeau de l’instruction primaire dans les campagnes ? Et que vient-on lui demander ? De scinder son œuvre, de garder le silence sur ses dogmes, d’ouvrir les portes à l’indifférence en matière de religion ! Les docteurs se renferment alors dans cette ancienne formule : Nolumus leges Angliœ mutari. D’un autre côté, l’état n’a-t-il point aussi des devoirs à remplir ? Dépositaire de la bourse publique, n’a-t-il point pour mission de respecter les droits pécuniaires et les convictions religieuses de tous ses membres ? Pour faciliter à tous les enfans de la classe ouvrière l’accès des écoles, ne doit-il point abaisser les barrières qu’oppose la division des croyances aux progrès de l’instruction laïque ? Il serait difficile de préjuger l’issue d’une lutte dans laquelle se trouvent engagées de part et d’autre