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elles tenant en mains un plum-pudding fumant décoré de fleurs et de branchages de houx. Dans cette procession figurent quelquefois la femme et les filles du recteur. Le plum-pudding ayant disparu, quatre hommes apportent sur leurs épaules un pain immense fait avec le blé de la dernière moisson et le placent en grande cérémonie devant le président. L’un des convives, — quelque gros fermier, — un pied sur la table et l’autre sur son siège, entame vigoureusement cette pièce pantagruélique, tandis qu’au même moment arrive un fromage, digne frère du pain massif et ne lui cédant guère en volume. À la suite du banquet, les laboureurs se répandent sur un terrain préparé d’avance où ils se livrent en plein air aux jeux et aux exercices athlétiques. Les Anglais, il faut le dire, s’amusent de peu ; la joie pour eux, c’est le mouvement. Cette simplicité est si bien dans leur caractère qu’elle s’étend à toute la vie. Dans les campagnes surtout, les arts et les raffinemens du luxe sont la plupart du temps, même pour les familles riches, des importations étrangères. De même qu’il a le plaisir facile, le paysan anglo-saxon, malgré sa rude écorce, s’émeut aisément, et l’on s’explique ainsi comment un culte très rapproché de la nature le touche profondément, sans avoir besoin de recourir aux pompes ni aux grands effets dramatiques. La joie, le triomphe de la force physique, le bonheur d’être ensemble pour remercier celui qui dore les épis dans le sillon, tel est le caractère religieux de cette fête champêtre. Sur le terrain des jeux, une autre tente a été plantée pour les femmes et les filles des laboureurs. Cinq ou six cents personnes s’y rassemblent vers quatre heures du soir pour prendre le thé. Des membres du parlement et du clergé, ainsi que des familles nobles du voisinage, assistent volontiers à ces réunions intéressantes où l’intelligence et la richesse viennent rendre honneur au travail agricole.

Le recteur ou le vicaire est bien le maître de l’église ; mais on se tromperait beaucoup si l’on croyait son autorité absolue. Il n’existe rien de pareil en Angleterre. Chaque paroisse est au contraire un petit état qui se gouverne par lui-même. La division des pouvoirs, des fonctions et du travail y est aussi fortement indiquée que dans la constitution même du royaume. D’abord, à côté de l’église, s’élève d’ordinaire la chapelle méthodiste. Voilà donc au moins deux centres vers lesquels convergent quelques-unes des nobles aspirations de la vie sociale. Il arrive aussi le plus souvent que dans un coin obscur du village se trouve un conventicule de quakers. Il se tient d’ordinaire dans une petite maison ancienne, mais toute blanche, fraîchement recrépite à la chaux, tapissée de jasmin ou de vigne vierge et entretenue avec un soin extrême par quelque vieille fille de la secte. Les divisions entre l’église établie et les autres congrégations indépendantes de l’état ne reposent point sur des