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absolument les unes des autres en importance et en étendue. Tout annonce qu’aucun plan n’a préside dans l’origine à la circonscription de ces districts religieux. Ils se sont formés au hasard et selon le caprice des donataires. Là encore la trace du régime féodal est restée imprimée sur la distribution du sol, et les limites de la paroisse coïncident le plus souvent avec les anciennes limites du manoir. Le zèle, la générosité, les moyens pécuniaires des familles nobles, en un mot diverses causes accidentelles ont ainsi déterminé la valeur du bénéfice, c’est-à-dire des moyens d’existence affectés à l’ecclésiastique. On a calculé que la moyenne de ces bénéfices était de 300 livres sterling (7,500 fr.) par an ; mais comme les revenus de certains vicaires s’élèvent bien au-dessus de ce chiffre, d’autres reçoivent naturellement beaucoup moins[1]. Dans ce dernier cas, le clergyman est souvent très gêné, d’autant plus pauvre en vérité qu’il est tenu de dissimuler sa misère. En Angleterre, toute position oblige ; combien ai-je connu de gentlemen qui se ruinaient ou se privaient secrètement du nécessaire de la vie pour sacrifier aux apparences ! La femme du vicaire doit être mise comme une dame. Un œil exercé pourrait peut-être découvrir dans sa toilette une différence avec celle de la femme du squire ou d’un riche recteur ; mais encore faut-il que le vulgaire s’en doute le moins possible. Ses enfans, d’un autre côté, doivent être propres et bien tenus, comme de genteel children (enfans bien élevés), et quant à lui, il est obligé de porter une cravate blanche, de fins habits de drap noir, en un mot tout l’extérieur respectable d’un homme d’église. Ajoutez à cela l’entretien du presbytère, qu’il ne faut point laisser dépérir. Trouvant la balance inégale entre ses chargés et ses revenus, le clergyman cherche généralement à améliorer sa situation par divers moyens. La loi lui défend de se livrer au commerce,

  1. Il y a des livings, en assez petit nombre il est vrai, qui ne rapportent pas plus de 50 à 100 livres sterling par an (1,250 à 2,500 fr.). Certains districts ecclésiastiques, par exemple celui de Saint-Mark’s, Horselydown, n’ont ni presbytère, ni école, ni service public du culte, et la population s’élève pourtant a deux mille neuf cent vingt habitans. D’autres jouissent au contraire de revenus qui n’ont plus aucune raison d’être. Entre Gravesend et Rochester, à Merston, se trouve une paroisse dont le bénéfice, placé sous le patronage du lord-chancelier, est estimé valoir 90 livres sterling (2,250 fr.) par an. L’église a depuis longtemps disparu, et à partir de 1455 il n’y a plus eu d’habitans à Merston. Cette sinécure est généralement accordée à quelque vicaire du voisinage dont elle grossit ainsi les ressources. L’un d’eux, ayant succédé dernièrement au living de Merston, vint prendre possession des lieux. C’était un dimanche : une large tente fut dressée sur remplacement de l’ancienne église, une congrégation de six cents personnes s’y rassembla, attirée sans doute par la nouveauté du spectacle, et le chant des psaumes s’éleva au milieu de la solitude. Ce service religieux est sans doute le premier et le dernier qui aura été célébré à Merston durant la vie du présent bénéficier.