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son droit de veto, et le candidat désigné par le patron est en quelque sorte nommé d’avance au bénéfice. Il y a même des cas où l’approbation de l’évêque n’est point du tout nécessaire. Le patron, qui est ordinairement dans cette circonstance-là un grand seigneur, a le pouvoir de donner directement l’église et le bénéfice au clerc qu’il a choisi lui-même. C’est ce qu’on appelle donative advowson[1]. Quand il a le droit d’intervenir, l’évêque lit au candidat accepté une formule écrite, et lui remet un acte revêtu du sceau épiscopal. Il donne ensuite à l’archidiacre ou à tout autre officier supérieur du diocèse l’ordre d’installer le nouveau bénéficier dans son église et dans la jouissance de ses droits. Ceci fait, le clerc devient ce qu’on appelle en Angleterre un parson (ministre en titre d’une paroisse).

Un advowson constitue aux yeux de la loi une véritable propriété ; il peut être transmis, aliéné, vendu pour toujours ou pour un certain nombre d’années, et même saisi par les créanciers dans le cas où le patron de l’église viendrait à mourir en laissant des dettes. Ce privilège donne le plus souvent lieu à un autre ordre de transactions. Il arrive tous les jours que le propriétaire d’un advowson cède à un tiers pour de l’argent le droit de première présentation, c’est-à-dire le droit de désigner un titulaire dès que le bénéfice deviendra vacant. Il y a même des cures qui sont ainsi vendues d’avance jusqu’au second et au troisième successeur. Ces sortes d’affaires figurent de temps en temps dans les journaux, à la colonne des annonces[2]. La propriété d’un advowson est en outre régie par des lois particulières et des usages assez curieux. Un enfant de l’âge le plus tendre peut présenter un clerc au bénéfice placé sous son patronage : s’il n’est point même capable d’écrire, son tuteur ou tout autre personne qui a dicté le choix lui guide la main pour signer l’acte. Dans le cas où le patron viendrait à être

  1. La plupart des légistes anglais font remonter à la couronne l’origine de ces donations. « Le roi, disent-ils, a le droit de fonder des églises et des chapelles indépendantes de la juridiction de l’évêque ; il peut aussi, par une faveur spéciale, transmettre cette même prérogative à quelques-uns de ses sujets. »
  2. Voici un spécimen de ce genre d’advertisements : « Lundi dernier, MM. *** et *** ont offert aux enchères publiques un advowson avec le droit de présentation au vicarage de North-Wrald, Basset, Essex. La situation a été reconnue salubre. On y jouit d’une bonne société, et les communications sont faciles avec Londres par le chemin de fer. Le presbytère (parsonage-house) a été construit avec un excellent goût : les plans en ont été dessinés conformément aux idées modernes de bien-être et de convenance. La maison est entourée de jardins d’agrément et de jardins potagers. Les terres, couvrent une superficie de quatorze acres. Les dîmes du vicarage ont été rachetées pour la somme de 466 livres sterling par an. Le présent bénéficier est dans sa soixante-quatrième année. Population de la paroisse, huit cent quarante-trois habitans. — Mise à prix, 3,880 livres sterling. «