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successifs du parlement ont pour la plupart abrogées ou modifiées, surtout depuis le commencement de ce siècle.

Le sentiment religieux n’a rien perdu de sa sève depuis qu’il s’est séparé en Angleterre de l’église romaine ; on dirait au contraire un arbre qui a repoussé plus vigoureux après avoir été émondé. Le mouvement de la réformation, en simplifiant le culte extérieur et en relâchant à certains égards les liens du dogme, n’a fait au contraire que concentrer les aspirations de l’homme vers l’idéal. L’église née du protestantisme, solidement greffée sur une certaine autorité civile et sur la Bible, occupe une grande place, dans l’état ; mais c’est au milieu des campagnes, où la foi exerce le plus d’empire sur les mœurs, qu’il faut surtout étudier l’organisation de la paroisse anglaise (parish). Chargé du soin des âmes, des intérêts du culte national et de l’éducation du peuple, le recteur ou le vicaire s’acquitte chez lui, à l’église, dans les écoles, d’une haute magistrature morale, et son ministère est considéré de tous comme un des points d’appui du gouvernement de la reine. Il se voit en outre aidé dans son œuvre par des laïques qui s’associent à tout un système d’influences locales bien digne d’appeler l’attention de quiconque veut pénétrer dans l’esprit des institutions britanniques. La paroisse est à la constitution générale de l’église anglicane ce que l’alvéole est à la ruche.


I

Des circonstances favorables m’ont permis d’étudier quelques aspects de la vie religieuse dans un village anglais. Ce hameau se compose d’un groupe de maisons éparpillées, dont les unes bordent la route, dont d’autres ont escaladé le sommet d’une colline, et dont plusieurs se cachent au fond de chemins creux et ombragés. La campagne y entre de toutes parts : des bouquets d’arbres, des vergers comblent les lacunes d’un cottage à l’autre, et les haies d’aubépine sur lesquelles voltige le rouge-gorge (robin redbreast) servent de lien entre les villas et les fermes. Comme c’est un pays à cidre, les pommiers se penchent au-dessus des clôtures, tout chargés de fruits que le soleil a rougis d’un côté. Les habitans se montrent peu dans le village ; les hommes sont aux champs, et quant aux femmes, elles sont trop occupées dans la maison pour s’asseoir en causant sur le seuil de la porte, comme font volontiers nos paysannes du midi. Les oiseaux jasent plus haut qu’elles autour des meules de grain, et leur babil remplace même la voix des enfans, enfermés pendant la journée dans le silence de l’école. Pour quiconque arrive de Londres, le passage du bruit et de la fumée à la