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l’Évangile à la mythologie et sortent de l’église pour aller consulter les devins et les astrologues. Aussi courageuses que savantes, elles montent à cheval, bravent la fatigue, supportent avec énergie les plus cruelles épreuves de la guerre civile ; mais la plupart d’entre elles joignent le vice à l’élégance. Cependant au milieu de cette cour voluptueuse, dont Jeanne d’Albret disait : « Ce ne sont pas les hommes ici qui prient les femmes, ce sont les femmes qui prient les hommes, » on rencontre des types exemplaires. La femme de Charles IX, Elisabeth d’Autriche, celle de Henri III, Louise de Vaudemont, épouses irréprochables, ornées de toutes les vertus de leur sexe, vécurent et moururent comme des saintes, et les écrits du temps, si prodigues en révélations scandaleuses, respectent tous la sœur de Henri IV, Catherine de Bourbon.

Cette figure intéressante et sympathique a trop longtemps été laissée dans l’ombre. La digne compagne des dangers et des épreuves de Henri IV mérite pourtant, comme femme et comme princesse, l’attention de la postérité : on ne peut en douter après avoir lu la récente publication dont elle a été le sujet. Elle avait les qualités de son frère, le courage, l’affabilité, la haute intelligence, avec des mœurs plus pures et une franchise de caractère plus véritable. Tourmentée d’abord dans son amour, et ensuite dans sa foi religieuse, elle résista aux obsessions dont elle était environnée, et la lutte qu’elle soutint pour ne pas renier le culte de son enfance indique bien tout ce qu’il y avait de fermeté dans son âme. Son esprit était cultivé. Élève de Théodore de Bèze, elle savait le latin, et prouvait une fois de plus que, pour montrer des talens politiques, il ne manque souvent aux femmes que l’occasion. Elle partagea toutes les vicissitudes de la carrière de Henri IV. Elle était avec lui au Louvre, dans cette nuit terrible où Charles IX criait : « Messe, mort ou Bastille ! » Elle administrait avec sagesse le petit royaume de Navarre pendant que le vainqueur d’Arques et d’Ivry devenait roi de France par droit de conquête. Au siège de Dreux, elle faillit périr à ses côtés pour être venue imprudemment visiter la tranchée, et les balles effleurèrent sa robe. Henri IV sentait bien tout ce qu’il devait d’estime et de reconnaissance à cette sœur vertueuse et fidèle. Cependant les exigences de la politique lui imposèrent la nécessité de la rendre souvent malheureuse. Quand elle mourut, il écrivit à M. de Beaumont, ambassadeur de France en Angleterre : « Je ne pouvais faire perte plus grande et plus sensible. Elle avait été compagne de toutes mes aventures bonnes et mauvaises, et avait plus constamment supporté celles-ci qu’elle n’a eu loisir de participer aux autres. » Mme la comtesse d’Armaillé a été fort bien inspirée de choisir une pareille héroïne ; elle en a parfaitement compris le caractère, et en recueillant des documens peu connus, en puisant aux archives de Paris, de Rouen, de Pau, de Nancy, de Florence, elle a retracé la vie de cette femme d’élite avec autant d’exactitude que de charme et de délicatesse.

Catherine de Bourbon naquit à Paris le 7 février 1559 d’Antoine, duc de