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voit bien qu’il n’a eu d’autre préoccupation que celle de la difficulté de la tâche et de la responsabilité qu’elle comporte. Du commencement à la fin, le problème n’a pas cessé un moment d’être présent à sa pensée avec ses plus légitimes et ses plus sérieuses exigences. Pour lui comme pour tous deux qui veulent y bien regarder, ce problème se résume dans les termes suivans : d’une part, il faut réduire de plus en plus le nombre des crimes et des délits ; d’autre part, il faut rendre les condamnés à la liberté dans des conditions telles que la peine subie constitue préventivement un obstacle véritable à de nouveaux méfaits, si même elle n’est point par sa nature et ses effets le principe et, dans une certaine mesure, le gage du retour au bien.

Voilà bien la question posée on ne peut plus correctement. Pour chercher la vraie solution, M. d’Alfaro a vu de près tous les établissemens pénitenciers, particulièrement en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et en France : il a examiné tous les systèmes, il a étudié toutes les hypothèses, et c’est après ce grand et long travail qu’il conclut, dans sa plus intime conviction, pour la détention cellulaire. A l’égard des simples prévenus, sa conclusion est péremptoire et absolue : dans ce cas, la détention en commun serait, à ses yeux, un odieux oubli de la protection qui leur est due. Quant aux condamnés, il admet également la détention cellulaire, — à deux exceptions près cependant. Il suppose d’abord que, dans ce régime, la surveillance intérieure, combinée avec l’action du patronage, pourrait, dans beaucoup de cas, permettre la concession plus ou moins prompte de la liberté provisoire en faveur de ceux qui en seraient jugés dignes, sauf leur réintégration s’ils trompaient ces espérances : ce serait là une première exception. La seconde serait celle-ci : lorsqu’il s’agirait des peines à perpétuité ou d’une très longue durée, les condamnés jusque-là les plus endurcis et les plus dangereux pourraient être non pas rendus, même provisoirement, à la liberté sur le sol continental, mais admis au bénéfice de la transportation coloniale, et encore dans le cas seulement où leur mauvaise nature semblerait soit modifiée et vaincue par la rude épreuve de la cellule, soit amollie par ses influences régénératrices.

C’est ici que commence à poindre, à travers ces premières indications du régime de la cellule, la notion trop peu aperçue ou très imparfaitement appréciée de la réduction notable, sous ce régime, de la durée de la détention : cette réduction en est cependant le corollaire obligé et comme le couronnement. M. d’Alfaro ne s’y est pas trompé : aussi insiste-t-il beaucoup, et en toute occasion, sur cette circonstance essentielle et vraiment fondamentale, essentielle surtout en ce sens qu’elle tend directement à ramener à des conditions vraiment peu inquiétantes cette éternelle objection que ce régime aurait pour résultat de ruiner la santé de ceux qui y sont soumis, ou tout au moins d’altérer profondément leurs facultés intellectuelles. Ce n’est pas que M. d’Alfaro néglige pour cela de rechercher, même en l’état actuel des choses, ce qu’il peut y avoir de vérité dans cette