Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/203

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cette idée féconde des types chimiques appartient surtout à MM. Dumas, Laurent, Gerhardt, et bien d’autres l’ont développée depuis ; mais, abandonnant une hypothèse longtemps acceptée qui croyait les retrouver dans l’eau, l’hydrogène, l’acide chlorhydrique, M. Berthelot, pour les découvrir, interrogea les lois de la synthèse. L’existence de ces types et le succès avec lequel on est remonté des différens carbures d’hydrogène au formène font concevoir l’espoir très fondé de reproduire un jour les composés qui semblaient tout d’abord l’œuvre la plus exclusive de la vie organique. Comme les substances azotées artificielles résultent de l’union de l’ammoniaque et de l’acide nitrique avec les principes oxygénés, on est conduit à supposer que les substances azotées naturelles sont nées de la même façon. Or ces principes oxygénés peuvent être fermés à leur tour, le plus souvent, à l’aide des alcools ; il suffira donc d’opérer l’union de ceux-ci avec l’ammoniaque et l’acide azotique dans certaines conditions pour arriver à reproduire les substances azotées naturelles. J’ai dit plus haut que M. Wöhler était parvenu à fabriquer l’urée par la combinaison de l’ammoniaque avec l’acide cyanique. M. Würtz a réussi à créer toute une série de produits renfermant les éléments de cette même substance, mais dans lesquels un ou plusieurs équivalens d’hydrogène se trouvent remplacés par des radicaux d’alcools, qui, unis aux acides, donnent naissance à des sels nettement cristallisés et qui se décomposent à la manière de l’urée sous l’influence de l’eau ; c’est ce qu’il appelle des urées composées. Ces corps curieux et nouveau, M. Würtz les observa dès 1847, en traitant par l’acide cyanique non plus l’ammoniaque, mais d’autres composés azotés dont la découverte lui appartient également et qui sont les ammoniaques composés (étylamine, méthylamine, amylamine, etc.). Les premier de ces corps s’obtint en distillant avec de la potasse de l’éther cyanique, c’est-à-dire un corps renfermant à la fois les éléments prochains de l’ammoniaque et ceux de l’alcool. Ainsi, avant qu’on eût entrevu toutes les ressources de la synthèse, cet habile chimiste, s’il n’avait pas créé de toutes pièces les alcalis organiques que nous fournit la nature, en fabriquait du moins d’artificiels ayant avec eux une frappante analogie, et dont quelques-uns se sont même retrouvés dans des produits naturels. C’est ce qui est arrivé notamment pour la butylamine, dont un chimiste anglais, M. Anderson, constatait la présence dans la partie la plus volatile de l’huile provenant de la distillation des os. Presque en même temps que M. Würtz, M. Hofmann parvenait à reproduire les ammoniaques composés en recourant à une autre voie qui mit plus complètement en relief leur constitution. Ainsi, on est en voie de reproduire un grand nombre de matières organiques, et le voile dont s’enveloppait la nature se déchire en bien des points. On pour-