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ces substances se placent en première ligne les alcools, composés neutres, formés de carbone, d’hydrogène et d’oxygène, et ayant pour type l’alcool du vin ou alcool proprement dit. Ces corps, qui constituent aujourd’hui une classe nombreuse, et des plus importantes ont la propriété de donner naissance aux éthers[1] en se combinant directement avec un acide quelconque, tandis que l’eau qu’ils contiennent est éliminée. Les éthers à leur tour, en fixant de nouveau les élémens de l’eau, reproduisent les alcools qui leur ont donné naissance. Ces alcools, on les a extraits d’abord des matières organiques : la fermentation du sucre produit de l’alcool ordinaire ; la distillation du bois fournit l’alcool méthylique ou esprit de bois. De celle de l’huile de ricin, on retire l’alcool caprylique ; de celle du blanc de baleine, l’alcool éthalique. Dans ces derniers temps, un chimiste fort distingué, M. Cahours, a retiré des résidus de la fermentation vineuse l’alcool amylique.

On peut, suivant la proportion des élémens, hydrogène et carbone, toujours associés à deux équivalens d’oxygène, établir entre les alcools diverses sections. Pour ceux de la première, de la composition la plus simple, deux équivalens d’oxygène sont unis à des proportions d’hydrogène et de carbone, qui présentent de part et d’autre une progression régulière. M. Berthelot, remarquant qu’ils peuvent tous se représenter par les élémens de l’eau unis à un carbure d’hydrogène, en conclut qu’à l’aide d’un pareil carbure, le gaz défiant par exemple, on devait parvenir à fabriquer de toutes pièces des alcools ; on n’aurait qu’à combiner ces corps binaires avec les élémens de l’eau. Il y réussit, employant tantôt le gaz oléfiant, ce qui lui donna l’alcool ordinaire, tantôt le propylène, ce qui lui donna l’alcool propylique. Le procédé demeurait toutefois insuffisant pour d’autres alcools de la même classe. M. Berthelot imagina alors d’unir un carbure d’hydrogène à un hydracide, c’est-à-dire à un acide où l’hydrogène remplace l’oxygène et en joue le rôle. Il parvint de la sorte à créer un éther où il substitua ensuite à l’hydracide les élémens de l’eau, et il arriva à ce qu’il cherchait.

Ce procédé eut, des résultats beaucoup plus généraux que le précédent, qui était pourtant en réalité plus simple. Ce n’est pas seulement l’acide propylique que M. Berthelot a produit à l’aide d’un carbure d’hydrogène, tel que le propylène ; tout carbure qui lui présentait entre les élémens composans les mêmes rapports de quantité que le gaz oléfiant lui a fourni un alcool correspondant. C’est ainsi que de l’amylène M. Berthelot tira un alcool amylique, du

  1. Le nom d’éther a été d’abord appliqué à un liquide très volatil doué d’une saveur suave et pénétrante que l’on obtient en distillant un mélange d’alcool et d’acide sulfurique.