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trouvent combinés le carbone, l’oxygène et l’hydrogène, et au milieu desquels apparurent les carbures d’hydrogène cherchés, à savoir l’hydrogène protocarboné ou gaz des marais, l’hydrogène bicarboné ou gaz oléfiant, le propylène et diverses autres substances plus compliquées.

Le procédé qui vient d’être exposé dota définitivement la science d’une méthode de synthèse qui allait permettre de créer de toutes pièces un ordre entier de matières organiques. Les matières qui appartiennent à cette catégorie sont fort simples sans doute : ce ne sont que des composés binaires résultant de la décomposition spontanée de débris végétaux accumulés au fond des eaux, dans la profondeur du sol ; mais ce n’en était pas moins là un premier pas dans la voie de la création artificielle. M. Berthelot varia et perfectionna ses procédés ; il recourut à des moyens qui furent souvent plus heureux. C’est ainsi qu’il parvint à transformer le sulfure de carbone en carbure d’hydrogène. Toujours guidé dans ses recherches par une même idée générale, il découvrit la méthode de synthèse la plus simple et la plus directe qui se puisse imaginer, car il réussit à combiner directement le carbone et l’hydrogène, c’est-à-dire à opérer une combinaison regardée jusque-là comme impossible. En effet, tous les carbures d’hydrogène connus se décomposant en leurs élémens sous l’influence d’une haute température, l’espoir de réunir directement ces mêmes élémens semblait chimérique. Un fait demeuré inaperçu montra à M. Berthelot qu’il n’était pas téméraire de tenter un pareil rapprochement. Il avait observé un carbure d’hydrogène d’une stabilité exceptionnelle, l’acétylène, plus riche en carbone que les autres gaz hydrocarbonés. Cet acétylène, il l’avait obtenu par la condensation directe du gaz des marais, ainsi que par la décomposition opérée dans les autres carbures et composés organiques à l’aide de la chaleur. Il l’avait rencontré jusque dans le gaz de l’éclairage, auquel ce carbure communique une partie de son odeur et de son pouvoir éclairant. De là, chez l’habile chimiste, la pensée que l’acétylène pourrait être obtenu par la réunion directe de ses élémens. Après divers tâtonnemens, l’expérience réussit complètement. La démonstration de ce fait capital est aussi brillante que décisive. On fait circuler un courant d’hydrogène sur le charbon porté à l’incandescence et réduit en vapeur par l’arc électrique ; on obtient alors cette lumière éblouissante que nous avons tous contemplée au théâtre ou dans les fêtes publiques. Si on la produit dans un courant d’hydrogène, ce gaz s’unit immédiatement au carbone vaporisé, et l’acétylène prend naissance.

Le carbure d’hydrogène, ainsi créé par une synthèse immédiate, n’est pas un produit isolé, mais le point de départ de bien d’autres produits. En l’unissant avec l’hydrogène naissant, M. Berthelot