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réduits à le conjecturer tantôt d’après la forme des lettres et la qualité du travail, tantôt d’après les noms mêmes, car il y a une mode pour les noms comme pour le reste, ils changent suivant les temps, et l’on voit par exemple que ceux des empereurs sont en vogue tant qu’ils règnent ; mais ce qui fournit encore le plus de lumières, c’est le caractère et le mérite des fresques qui couvrent certaines chambres des cimetières chrétiens. Les peintures portent leur âge avec elles, les bonnes plus que les mauvaises, car il peut y avoir des barbouilleurs dans les meilleures époques de l’art ; pendant la triste décadence où se perd l’empire romain, il ne restait plus de bons peintres. C’est surtout au moyen des peintures qu’on peut espérer d’établir d’une manière probable la date des principaux monumens des catacombes.

Voilà, en quelques mots, la méthode que M. de Rossi se propose de suivre dans son travail. Pour la juger, il faut la voir à l’œuvre. Aussi dois-je montrer en finissant de quelle façon il l’applique et à quels résultats elle le conduit.

Le cimetière que M. de Rossi étudie le premier est celui de Calliste : c’est aborder de front la difficulté la plus grave que présente la topographie des catacombes. Il n’y en a aucun sur la position duquel on ait autant discuté. Depuis trois siècles, on le place toujours où il n’était pas. On ne cesse pas de le confondre avec les cimetières de Prætextat et de saint Sébastien, qui l’avoisinent. Les anciens documens mêmes sont sur ce point embarrassés et confus. La seule chose qu’ils affirment tous avec persistance, c’est que, depuis Zéphyrin jusqu’à Miltiade, tous les papes y ont été enterrés. Après beaucoup d’études, M. de Rossi s’est décidé à le placer où personne ne l’avait encore cherché ; mais plus son opinion était nouvelle, plus il lui était nécessaire de la démontrer : il fallait qu’il la justifiât par quelque découverte incontestable. Il y est parvenu, et les fouilles qu’il a dirigées de ce côté lui ont donné raison. Après bien des recherches, les ouvriers ont pénétré dans une chambre plus vaste, plus ornée que les autres, et dont le sol était couvert de marbres brisés. En réunissant quelques-uns de ces débris qui portaient des caractères grecs, M. de Rossi a pu lire les noms de quatre papes : Anteros, Fabianus, Lutius et Eutychianus. Il n’y avait plus de doute possible, on se trouvait dans la crypte papale du IIIe siècle ; les plus opiniâtres et les plus prévenus étaient bien forcés de reconnaître qu’on avait retrouvé le cimetière de Calliste. Ce cimetière est le plus vaste de tous, celui qui avait poussé dans tous les sens le plus de ramifications hardies, celui qui contenait le plus de tombeaux illustres. Dans une inscription qu’on lit encore sur la muraille, un pieux visiteur, ému du spectacle qu’il a sous les yeux,