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payer leur cotisation. » Ces associations portaient ordinairement le nom d’un dieu ; les confrères s’appelaient adorateurs d’Hercule ou de Jupiter (cultores Herculis, cultores Jovis), absolument comme nos sociétés charitables se donnent aujourd’hui le nom d’un saint. Au fond, le but de l’association n’était pas religieux. Le dieu n’était qu’une enseigne ou tout au plus qu’un patron dont la fête servait de prétexte à de bons repas. L’organisation de ces sociétés nous est parfaitement connue depuis qu’on a découvert dans l’ancienne Lanuvium les statuts des adorateurs de Diane et d’Antinoüs (cultores Dianœ et Antinoi) ; on y voit que chaque confrère payait 100 sesterces (20 francs) et une bouteille de bon vin à son entrée dans la société, et qu’ensuite il donnait 5 as (25 centimes) par mois. A sa mort, la société se chargeait de d’enterrement, ou, s’il avait désigné par son testament quelqu’un pour cet office, elle lui comptait 400 sesterces (80 francs). C’était ce qu’on appelait le prix des funérailles (funeraticium), la dépense d’un convoi de pauvre. Pour faire honneur au défunt, on envoyait à la cérémonie quelques-uns des confrères, auxquels on distribuait 1 sesterce (20 centimes) auprès du bûcher. Ce qu’il importe de remarquer, c’est que les esclaves pouvaient faire partie de l’association, et après leur mort, quand un maître injuste refusait de livrer leurs corps à la société, on leur faisait des funérailles par effigie. Ce n’était pas tout d’enterrer les morts, il fallait aussi les honorer. Or l’antiquité croyait qu’on ne pouvait pas mieux le faire qu’en célébrant des festins en mémoire d’eux. Les adorateurs de Diane et d’Antinoüs, fort zélés pour leurs morts, n’y manquaient pas. Seulement on voit par leurs statuts que ces repas, qui étaient peut-être sérieux et gravés à l’origine, comme il convient à des cérémonies funèbres, avaient fini par devenir très joyeux. Les confrères ne voulaient pas y entendre parler d’affaires. « Il est expressément ordonné, disent-ils, que, si quelqu’un a quelque plainte ou quelque proposition à faire ; il la fera seulement dans nos assemblées mensuelles, afin que nous puissions dîner libres et contens. » Il semble en effet que la gaîté ne manquait pas aux convives, puisqu’on fut obligé d’en prévenir les excès et d’instituer des amendes contre ceux qui se laisseraient emporter trop loin par leur bonne humeur. On payait 3 sesterces (60 centimes) si l’on quittait sa place pour faire du bruit, 12 sesterces (2 francs 40 centimes) si l’on avait dit des sottises à un confrère, et 20 sesterces (4 francs) si ce confrère était le président de la sociétés Tel est en résumé le règlement des adorateurs de Diane et d’Antinoüs.

D’autres fois les associés n’étaient pas seulement enterrés aux frais du trésor commun ; ils avaient aussi une sépulture commune. La plupart de ces monumens qu’on rencontré dans la campagne