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doute rencontré sur leur chemin sans le vouloir, et il communique aujourd’hui librement avec les tombes des martyrs. Le nombre des cryptes qui furent alors creusées est incalculable. On en découvre tous les jours de nouvelles ! Les hypogées païens commencent à n’être plus rares. On sait les noms de près de soixante cimetières chrétiens. On connaît deux catacombes juives, celle du Transtévère, qui est antérieure au christianisme, et celle de la voie Appienne. Il faut espérer qu’on en trouvera d’autres qui nous apprendront ce que nous souhaiterions tant connaître, la constitution et le gouvernement des synagogues à Rome ; peut-être aura-t-on la bonne fortune de rencontrer celles des sectes dissidentes du christianisme. Nous savons qu’elles en avaient aussi, et que, pour leur donner quelque autorité, elles allaient dérober dans les cimetières catholiques les corps des martyrs les plus respectés et les plaçaient chez elles. Que de lumières ne jetteront pas ces découvertes sur l’histoire religieuse de ce temps, si elles sont toujours dirigées par des hommes de bonne foi et de science comme M. de Rossi !

Parmi toutes ces sépultures qui se ressemblent, les cimetières chrétiens se reconnaissent à deux signes. D’abord ils sont beaucoup plus vastes que les autres. Nulle part on n’a retrouvé un tel développement de galeries, ni une telle agglomération de tombes. Jamais aucun culte ni aucun peuple n’a semblé éprouver autant que les chrétiens le besoin de se grouper et de se réunir dans la mort. Ensuite les niches où sont placés les corps sont ouvertes dans les cryptes juives et fermées dans les catacombes chrétiennes. Cette différence tient à l’habitude qu’avaient les chrétiens de visiter assidument le tombeau des martyrs et d’y venir prier. Chez les Juifs, où le sépulcre ne s’ouvrait que quand on voulait y ensevelir quelqu’un, on n’avait pas besoin de prendre de précautions pour protéger le cadavre contre l’indiscrète curiosité des visiteurs ; Il suffisait de rouler une grosse pierre à l’entrée du caveau. Il en était autrement chez les chrétiens, et comme leurs cimetières étaient ouverts aux fidèles, il fallait bien que les tombes fussent fermées. Pour tout le reste, leurs catacombes ressemblent tout à fait à celles des Juifs et des autres peuples de l’Orient et l’on voit bien au premier coup d’œil que c’est d’eux qu’ils avaient pris cette façon d’ensevelir les morts.

Il ne faudrait pas croire cependant qu’il existât dans l’église naissante de règle fixe ni d’usage constant pour la sépulture. La seule loi acceptée de tout le monde était de ne pas se servir pour soi ni pour les siens de tombes païennes, et de ne pas admettre de païens dans les cimetières où les chrétiens reposaient. « Laissez les morts ensevelir leurs morts, » disait durement saint Hilaire, et nous savons que l’oubli de cette loi amena la déposition d’un évêque au temps