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témoignage éternel de l’énergie d’une société proscrite à qui rien ne peut faire oublier le soin pieux de ses morts ? Ces motifs ont déterminé M. de Rossi à revenir à la méthode de Bosio. Il se propose, comme lui, d’étudier les divers cimetières chrétiens, d’en dresser le plan, de rechercher l’étendue primitive de chacun d’eux et les accroissemens qu’il a reçus, de retrouver le nom qu’il portait et les personnes illustres qui y furent ensevelies, de relever ce que la tradition ou la légende raconte de lui, de le suivre depuis son origine jusqu’après Constantin à l’aide des documens manuscrits ou publiés, et plus encore par l’examen attentif des inscriptions et des peintures qu’il contient. Son ambition est d’arriver à refaire l’histoire et à dresser la topographie complète de la Rome souterraine. Cette ambition est grande, plusieurs savans l’ont même proclamée téméraire ; mais M. de Rossi apporte à son œuvre un dévouement sans bornes avec une érudition immense, et tout en fait espérer le succès. Cependant, quand il l’a commencée, il lui manquait un élément nécessaire pour y réussir. Il était érudit et archéologue, il n’était pas géomètre ; il ne savait pas lever un plan. C’était donc une nécessité pour lui de réclamer le secours d’un ingénieur de mérite qui consentît, pour le suivre, à négliger ses affaires et à oublier sa fortune, qui s’associât tout entier à une entreprise où l’on n’avait à attendre pour tout profit que les éloges de quelques antiquaires, qui fût, en un mot, aussi désintéressé qu’habile. Ce sont des qualités qui ne se rencontrent pas toujours ensemble. Heureusement la bonne fortune de M. de Rossi les lui a fait trouver réunies dans un même homme et sans sortir de chez lui. Son frère, M. Michel de Rossi, qui n’avait eu jusque-là que l’éducation d’un juriste, est devenu géomètre par dévouement. La nécessité a développé en lui une vocation qu’il ne se savait pas. Il s’est fait bientôt un nom dans cette science qui lui était nouvelle, et il a même inventé, pour abréger le travail de la levée des plans, une machine très ingénieuse qui a obtenu une médaille à l’exposition de Londres. Une fois qu’il a eu acquis ce talent, il s’est empressé de le mettre au service de son frère, et tous les deux, animés du même zèle, se complétant l’un l’autre par un concours fraternel, se sont mis à parcourir ensemble les catacombes, décidés à faire de cette exploration l’étude de toute leur vie et à ne s’arrêter, si c’est possible, que lorsqu’ils auront atteint les limites de l’immense nécropole.

Le premier volume de la Rome souterraine, qu’ils viennent de publié, contient à peine le commencement de leurs travaux. Je veux pourtant, avant d’attendre qu’ils les poursuivent, en entretenir le public. Il me semble bon de fournir sans retard à ceux qu’intéressent les questions religieuses quelques documens nouveaux qui fe-