Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 59.djvu/149

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

metières chrétiens[1], s’est mis à les étudier de nouveau. Il a pensé que, si ses prédécesseurs avaient beaucoup fait, il n’en restait pas moins beaucoup à faire, et, après avoir vécu vingt ans dans les catacombes, il vient à son tour nous dire ce qu’il y a découvert.

Ce qui fait l’originalité du livre qu’il publie sur ce sujet, c’est qu’il ne s’est pas contenté de continuer l’œuvre des autres. Son entreprise est plus hardie : il tente une révolution dans ces études. Il ose dire que depuis deux cent cinquante ans on a quitté la bonne route, que tous ses devanciers, à l’exception d’un seul, se sont trompés, et qu’afin que ces recherches soient fécondes, il faut se remettre sur les traces de Bosio et reprendre le travail où il l’avait laissé. Cet illustre savant, qui fut le premier explorateur des catacombes, avait entrepris de les étudier toutes l’une après l’autre, de suivre régulièrement chacune d’elles dans le dédale de ses galeries, d’en tracer le plan, si c’était possible, et d’essayer, à l’aide des documens anciens, de retrouver son nom et de refaire son histoire. Un pareil travail demandait des lectures infinies, la connaissance profonde des auteurs ecclésiastiques et des efforts merveilleux de sagacité. Les successeurs de Bosio en furent épouvantés et l’abandonnèrent. Pour que la tâche devînt plus facile et le succès plus assuré, ils négligèrent de plus en plus de s’occuper des catacombes en elles-mêmes pour concentrer leur attention sur les monumens qu’on y découvrait. Dans les visites qu’ils y faisaient, ils copiaient avec soin les inscriptions et les peintures ; mais le plus souvent ils se bornaient là, et la mine d’où sortaient tant d’objets précieux était oubliée pour les richesses qu’on en tirait. Bientôt même on pensa que la moisson était assez abondante ; on ne prit plus la peine de continuer les fouilles pour l’accroître, et l’on se contenta de se servir des documens qu’on avait amassés pour discourir sans fin sur le culte et les rites du christianisme naissant.

Ce n’est pas ainsi que prétend procéder M. de Rossi. Il s’est dit avec raison que, pour tirer plus de profit des monumens, de l’antiquité chrétienne, il ne fallait pas les séparer de l’étude des lieux où on les a trouvés. Ces monumens sont quelquefois assez obscurs, ne le deviennent-ils pas davantage quand on les isole de ceux qui les entouraient ? On ne se sert avec sûreté d’une inscription que lorsqu’on peut en fixer la date ; pourquoi, en refusant de s’occuper des lieux où elle était placée, se prive-t-on volontairement d’un des moyens qui peuvent conduire à la savoir ? Enfin, si l’on croit que les monumens que contiennent les catacombes méritent d’être recueillis, ne convient-il pas à plus forte raison de bien connaître, les catacombes elles-mêmes, œuvre gigantesque de patience et de foi,

  1. Voyez sur les travaux épigraphiques de M. de Rossi la Revue du 1er mai 1864.