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d’aisance qu’il ne rencontre en elle que docilité et bon vouloir. Le rôle de Lucrezia était tenu par Mme Penco. Sa beauté substantielle et ses traits, qui ont de la noblesse sans rien d’âpre ni de dur, lui permettent de représenter sans trop d’invraisemblance le personnage de madonna Lucrezia, que ses images nous représentent avec un visage tranquille, où l’on n’aperçoit pas ombre de férocité, et de beaux yeux intelligens, spirituels, et qui ne sont point sans douceur. Mme Penco a composé et chanté son rôle avec un mélange d’énergie et de dignité qu’elle a soutenu jusqu’au bout, non sans lutte, mais avec une vaillance qui est restée triomphante. Le jeune Maffio Orsini, dont les gracieuses rotondités, fort différentes des sèches maigreurs de l’adolescence masculine, ne pouvaient permettre d’illusion sur le sexe véritable, est une débutante qui se nomme Mlle Grossi ; elle a chanté son brindisi avec un brio et un entrain qui lui ont valu les honneurs du bis. Un autre débutant, M. Selva, remplissait le rôle du duc Alphonse. Il nous a semblé qu’il aurait pu donner à ce personnage un peu plus de dignité ; mais après cela les membres de cette famille d’Este se sont si mal conduits envers le Tasse, et même envers l’Arioste, qu’il nous serait égal qu’on les calomniât un peu.

Maintenant mon rôle de critique musical est terminé, et il ne me reste plus qu’à m’excuser auprès des lecteurs de la Revue de les avoir pour un instant entretenus de choses sur lesquelles je n’ai d’autres droits de parler que ceux que me donnent le plaisir qu’elles me font et l’absence momentanée d’un collaborateur dont tous connaissent l’esprit et le savoir.


EMILE MONTÉGUT.



ESSAIS ET NOTICES.

LA MÉDECINE, HISTOIRE ET DOCTRINES, par CH. DAREMBERG

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M. Daremberg publie sous ce titre quelques-uns des articles écrits par lui pour le Journal des Débats. En les disposant d’une manière heureuse, il a fait de ces pages détachées un livre véritable. Un journaliste, surtout un journaliste scientifique, met dans ses travaux plus d’unité qu’on ne pense. Le lien qui les rattache l’un à l’autre, le public ne l’aperçoit point toujours, l’auteur même l’oublie parfois ; mais il n’en est pas moins réel et se retrouve à l’occasion. La nécessité, le respect, la fantaisie, la complaisance, amènent souvent à écrire ; mais, quelque divers que soient les motifs, le résultat est le même, la pensée ne dévie point du chemin qu’elle s’est tracé, et chaque article est le commencement ou la suite d’un autre, si, comme il arrive parfois, il n’en est pas la répétition. Ce dernier cas n’est point à craindre dans un livre comme celui-ci, dont le sujet est trop vaste pour être tout à fait rempli. L’histoire de la médecine, celle de toute science, rend nécessaire une œuvre considérable,