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Dans les vastes brumes funèbres,
Il vole, il plane; il a l’amour
De se ruer dans les ténèbres
Jusqu’à ce qu’il trouve le jour.

Sa prunelle sauvage et forte
Fixe sur l’homme, atome nu.
L’effrayant regard qu’on rapporte
De ces courses dans l’inconnu.

Il n’est docile, il n’est propice
Qu’à celui qui, la lyre en main,
Le pousse dans le précipice.
Au-delà de l’esprit humain.

Son écurie, où vit la fée,
Veut un divin palefrenier;
Le premier s’appelait Orphée,
Et le dernier..., André Chénier.

Il domine notre âme entière;
Ézéchiel sous le palmier
L’attend, et c’est dans sa litière
Que Job prend son tas de fumier.

Malheur à celui qu’il étonne
Ou qui veut jouer avec lui !
Il ressemble au couchant d’automne
Dans son inexorable ennui.

Plus d’un sur son dos se déforme;
Il hait le joug et le collier;
Sa fonction est d’être énorme
Sans s’occuper du cavalier.

Sans patience et sans clémence,
Il laisse en son vol effréné,
Derrière sa ruade immense,
Malebranche désarçonné.

Son flanc ruisselant d’étincelles
Porte le reste du lien
Qu’ont tâché de lui mettre aux ailes
Despréaux et Quintilien.