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d’une guerre ; son vœu est que des engagemens mutuels et formels soient pris à ce sujet. » Et, de son côté, l’ambassadeur danois à Paris, le comte Moltke-Hvitfeldt, s’exprime encore ainsi le 14 juillet : « L’accord, dont personne ne doute, qui s’est récemment établi entre les cours de Saint-Pétersbourg, de Vienne et de Berlin semble devoir amener une entente entre les deux puissances occidentales ; les deux gouvernemens se donnent mutuellement des preuves de confiance qui sont grosses d’heureux pronostics pour l’avenir… »

Malheureusement ces dépêches sont traversées par d’autres qui montrent un horizon bien moins souriant. « Les avances françaises n’ont pas été accueillies favorablement, mande de nouveau M. Torben Bille de Londres. Tout en désirant une bonne entente avec la France, le cabinet anglais ne se soucie pas de se lier les mains ni de s’engager formellement pour l’avenir. » — « Nous souffrons en ce moment, écrit le comte Moltke de Paris le 7 juillet, de la situation générale de l’Europe. Il parait hors de doute que la sainte-alliance que la France avait réussi à briser par la guerre de Crimée, est maintenant un fait plus ou moins accompli, devant lequel l’empereur, abandonné par l’Angleterre, ou tout au moins ne pouvant pas compter sur son concours, a résolu de garder une attitude plus réservée que jamais… » Hélas ! on ne pouvait même plus compter sur la Suède maintenant, cette Suède qui avait cependant tant parlé et tant fait parler d’elle. « Le comte Manderström m’a fait remarquer, lisons-nous dans une dépêche du comte de Scheel-Plessen de Stockholm (10 juillet), que la France paraissait s’émouvoir un peu. Il n’a pas dissimulé néanmoins que la Suède ne se regardait en aucune façon obligée par ses promesses antérieures, à se joindre à la France pour le cas où cet état se déciderait à prendre les armes, afin de poursuivre un but qui serait dans son intérêt particulier !… » — « Il n’existe pas, s’écrie avec désespoir M. Torben Bille dans sa dépêche du 15 juillet, de rapprochement réel entre le cabinet (de Londres) et celui de Paris : tous deux continuent d’avoir de la méfiance… » Comment en effet le gouvernement français espérait-il encore entraîner l’Angleterre dans une action quelconque ? Le seul enseignement que l’heureuse Albion avait su tirer de sa dernière mésaventure, n’était-ce pas celui-là même que proclamait avec conviction lord Wodehouse, l’envoyé extraordinaire qui, revenu de sa mission et de ses illusions, pensait « qu’on devait à l’avenir éviter autant que possible de se mêler des affaires continentales ? » Et que lui importait, à l’île « triplement cuirassée par sa mer, ses rochers et son fer, » l’entente plus ou moins intime des cours du Nord, voire la résurrection de la sainte-alliance ? Elle avait bien su s’accommoder de la saintes-alliance aux temps des Liverpool, des Castlereagh, sans que cela l’empêchât d’aug-