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forma de ce qui me concernait. C’est alors qu’il apprit l’attitude prise, par Lambruschini. Le lendemain matin, Laureani et Molza, me racontèrent cette visite du pape. Bien que la défense faite, par Lambruschini ne pût être complètement rapportée, on me confia cependant le précieux manuscrit deux jours de suite pendant trois heures, ce qui me permit d’en examiner plusieurs passages et d’en prendre un fac-simile exact, le premier qui ait vu le jour. »

Puisque M. Tischendorf a réussi à forcer la consigne du cardinal lambruschini, il est sûr d’ouvrir les portes les mieux fermées. Les moines mêmes du mont Sinaï seront obligés de secouer leur indolence et de lui livrer leurs trésors. Après l’Europe occidentale et les villes d’Italie, l’Orient attirait le grand explorateur. C’est en 1840 que M. Tischendorf était parti de Leipzig pour Paris avec une cinquantaine de thalers ; au printemps de 1844, il s’embarquait à Livourne pour l’Égypte et la Palestine, — Mais, dira-t-on, nous ne sommes plus au temps des apôtres ; par quel secret un savant sans fortune a-t-il pu mener à bien de telles entreprises ? On a déjà vu que le gouvernement saxon, d’abord assez indifférent à ses travaux, commençait à s’en faire honneur, et lui avait accordé à Rome une protection efficace. Nous avons dit aussi que plusieurs de ses confiées s’intéressaient à lui ; du i fond de l’Allemagne et lui confiaient des, recherches spéciales qu’ils rétribuaient de leur bourse. Ce budget extraordinaire s’était accru depuis 1840. Quand on sut que M. Tischendorf voulait explorer les richesses manuscrites de l’Orient chrétien depuis les couvens du Caire jusqu’aux couvens du Sinaï, comme il avait exploré d’Oxford à Naples toutes, les bibliothèques de l’Europe, il y eut une sorte d’émulation parmi ses bienfaiteurs. La liste en est touchante, et nous pouvons bien la mentionner en passant, puisque M. Tischendorf a considéré, comme un devoir de la proclamer dans les préfaces de ses livres. On y rencontre les noms d’un banquier de Francfort, M. Seyfferheld, d’un riche propriétaire de Genève, M. Favre-Bertrand, à côté du nom du roi de Saxe et du diplomate hanovrien M. Kestner. Les savans y ont aussi leur place : l’illustre M. de Wette et le vénérable David, Schulz n’ont pas été les derniers à envoyer leur obole. « David §chulz, dit M. Tischendorf, ne m’a écrit dans toute sa vie qu’une seule, lettre un peu grondeuse ; c’est le jour où je lui ai restitué cette avance. » Souvenons-nous de cet épisode quand nous sommes portés à médire de notre siècles ; y eut-il jamais charité plus délicate pour venir en aide à un pèlerinage plus noble ?

M. Tischendorf partit donc pour l’Orient au mois, d’avril 1844. Il fit d’abord un assez long séjour au Caire, et de là des excursions aux couvens coptes du désert ; il se rendit ensuite à Jérusalem, d’où