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absolu entre la gloire d’une protection efficace et le déshonneur d’un abandon.

On connaît le choix auquel s’arrêta l’Angleterre et on n’insistera plus ici que sur les deux principaux argumens qu’elle a fait valoir depuis pour se disculper, et que lord Russell notamment a exposés tout au long pendant la fameuse discussion du vote of censure. « Nous n’avons pas fait la guerre pour le Danemark, disait-il en se résumant, d’abord parce que la France nous a refusé son concours, ensuite parce que nous n’avons jamais donné au gouvernement de Copenhague l’assurance formelle de l’assister… » Il est vraiment pénible de voir une grande nation et un homme d’état qui a bien mérité de la cause libérale dans son pays s’abaisser à une pareille plaidoirie. Qu’est-ce qui empêchait la Grande-Bretagne de faire à elle seule sa démonstration maritime ? L’abstention de la France ne lui rendait-elle même pas sous quelques rapports l’action plus facile, moins hérissée de certains dangers qu’on semblait tant redouter de l’autre côté du détroit ? Déclarer des blocus, capturer des navires, bombarder même Stettin, Dantzig ou Hambourg, la flotte du canal pouvait le faire tout à l’aise sans le concours de la France ; la Suède était là, toute prête pour offrir même au besoin une base d’opération à un débarquement de troupes, et il est impossible d’admettre que dans ce cas M. de Bismark n’eût fini par entendre raison. Quant aux promesses faites au Danemark, il n’y a que l’esprit judaïque qui pût arguer du défaut d’un engagement par écrit à l’absence de toute obligation morale. Les ministres britanniques avaient pendant seize ans intercédé, parlé, traité pour la monarchie Scandinave ; ils avaient dirigé tous ses pas, imposé à son gouvernement toutes les concessions, ils s’étaient même en dernier lieu portés garans du changement de la loi fondamentale de ce pays ! « Quoi qu’il puisse arriver, disait au mois de janvier 1864 sir A. Paget à l’évêque Monrad, le gouvernement de Copenhague aura toujours la consolation d’avoir agi d’après le conseil de ses meilleurs amis… » Et il est triste de penser que ce devait être là aussi la seule consolation laissée au Danemark par ses meilleurs amis… ! « Si le gouvernement du roi Christian repoussait notre conseil, disait un autre jour l’envoyé officiel britannique lord Wodehouse à M. Hall, l’Angleterre devrait laisser le Danemark s’engager dans la lutte avec l’Allemagne sous sa propre responsabilité. » Si la langue humaine a encore une logique et le cœur humain une bonne foi, cela ne signifiait-il pas que, si le conseil était suivi (et il le fut !), l’Angleterre prendrait sa part de responsabilité dans la lutte ? Et que dire de la déclaration solennelle de lord Palmerston dans l’été de 1863 et en plein parlement, qu’au moment du danger