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changé. « Le comte Rechberg m’a dit aujourd’hui, écrit à cette date lord Bloomfield, qu’il a reçu de Berlin une réponse défavorable à notre proposition d’armistice, et son excellence m’a fait observer que l’empereur son maître ne pouvait se séparer de la Prusse, ni faire dans ce moment un pas sans elle, malgré son désir ardent de voir les hostilités cesser. — Je répondis à son excellence que j’étais désolé de ce que les avis venus de Berlin eussent produit un tel changement dans les opinions personnelles qu’il m’avait exprimées avant-hier… » C’était, comme on le voit, toujours la même situation, toujours les « avis » de Berlin venant stimuler à point la chancellerie aulique aux momens de défaillance, et c’est ainsi, et par une suite non interrompue d’élans passifs, que le cabinet de Vienne devait être mené jusqu’au bout, jusqu’à cette « copossession » des duchés, la plus embarrassante des acquisitions sans contredit qui soient jamais venues accabler un conquérant marri et involontaire !

Ce fut tout le contraire avec un autre des anciens défenseurs du Danemark, avec ce royaume de Suède qui finit par ne pas bouger du tout, après avoir longtemps tenu le monde en haleine par ses velléités d’aller en avant. Le gouvernement de Charles XV s’était beaucoup remué en 1863 dans l’intérêt de Frédéric VII, et M. de Manderström n’avait négligé aucune occasion de faire l’apologie du cabinet de Copenhague, de recommander le royaume ami à la sollicitude des puissances, et de laisser entrevoir l’intervention indubitable de la Suède dans le cas d’une agression allemande contre le Danemark. « Nos intérêts les plus chers, disait entre autres une note de Stockholm du 19 juillet 1863, ne pourraient guère nous permettre de voir d’un œil tranquille écraser nos voisins sous des prétextes qui plus tard pourraient mettre en danger notre propre indépendance… » Vers le même temps (juillet 1863), les souverains de Suède et de Danemark se rencontraient personnellement à Skodsborg et à Malmö, et l’Allemagne eut raison de considérer ces entrevues royales comme les préliminaires d’une alliance défensive. Les pourparlers de Skodsborg et de Malmö n’avaient-ils même pas une portée plus grande encore, et n’y combinait-on pas une union tout autrement décisive et qui eût rappelé le glorieux jour de Calmar ? On prétendait en effet, on prétend encore dans certains cercles de Copenhague et de Stockholm, que Frédéric VII caressait, vers la fin de son règne, un projet grandiose : que, mû par un patriotisme généreux et inquiété des « sympathies germaniques » de son successeur désigné, le duc de Glucksbourg, il n’aurait songé à rien moins qu’à léguer son royaume au prince Oscar, l’héritier du trône suédois. Il est sûr, dans tous les cas, qu’un traité d’alliance avait été convenu dans ses principaux points entre M. Hall et le