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à la Bibliothèque ; M. Hase, le patron, et le guide de ces pionniers du savoir, lui ouvre nos trésors. Des savans d’Allemagne, informés de son entreprise, le chargent de recherches, et de transcriptions qui intéressent leurs études en y contribuant par leurs propres ressources. Grâce à ce budget nouveau, si honorable pour tous, grâce à la protection et aux conseils de M. Hase, le travail avance à grands pas. Le palimpseste de saint Éphrem, signalé par Lachmann et réputé illisible, est déchiffré d’un œil sûr ; tous les manuscrits de Philon le Juif sont collationnés avec soin pour M. Grossmann, professeur à l’université de Leipzig, et plus d’une page inédite, sans parler des variantes, et des corrections précieuses, enrichit le portefeuille de l’antiquaire. A cette date appartient aussi son édition grecque et latine du Nouveau Testament publiée à Paris chez M. Firmin Didot. Par certaines considérations de librairie, on avait désiré lui adjoindre pour collaborateur un professeur de la Faculté de théologie, M. l’abbé Jager. « Pourquoi pas ? » disait-il avec confiance. Prévoyant dès 1842 les combats de la période suivante, il souhaitait que des chrétiens de toute communion fussent initiés à l’étude scientifique des textes. En tout ce qui concerne la littérature sacrée des premiers siècles, protestans et catholiques n’ont-ils pas même intérêt ? Des rivaux l’ont accusé d’avoir abandonné son église en associant son nom à celui du ministre d’un autre culte : ils n’avaient pas lu cette phrase de la préface où l’auteur se félicite d’avoir éveillé l’étude du texte grec des Évangiles chez ceux-là mêmes pour qui le texte latin est le texte consacré, quibus latinus jextus prœ cœteris commendatus et sancitus est. N’est-ce pas, disait-il encore, engager des esprits virils et religieux à de nouvelles méditations qui les conduiront de plus en plus vers la lumière du vrai ? » Chrétien avant d’être protestant et toutefois protestant fidèle, M. Tischendorf manquait ainsi dès le premier jour avec autant de discrétion que de netteté la place qu’il voulait prendre dans les luttes religieuses du XIXe siècle. Un philosophe même ne devrait-il pas souscrire à ces paroles ? Chercher le vrai en établissant d’une main sûre les textes les plus dignes de foi, n’est-ce pas le premier devoir d’une critique impartiale ?

Cette impartialité candide, jointe à tant de savoir, est précisément ce qui a valu à M. Tischendorf l’appui des personnages les plus divers, savans ou théologiens, maîtres de la critique ou gardiens des croyances. Au moment où M. Tischendorf allait quitter Paris, un ministre saxon ayant décoré M. Hase pour les services qu’il avait rendus à la science dans la personne, du théologien de leipzig, M. Hase répondait en ces termes : « Ce n’est pas moi seul, monsieur le ministre, ce sont aussi tous mes confrères de l’Institut