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« La direction m’a envoyé une pièce intitulée la Noce de Quickström ; je l’ai lue en voiture. Elle me paraît ressembler à l’épée de Charlemagne : longue et plate. »

« Du camp devant Likala. — Le Courrier de l’Europe vient d’arriver. L’opéra de Londres a brûlé ; les engagemens des danseurs dont donc rompus. Faites revenir notre Didelot, afin que j’aie le plaisir de le revoir l’hiver prochain ; je ne sais pas pourquoi nous le payons quand il danse à Londres… Je vous dirai que mon flanc gauche est assuré par cinq gros bataillons, etc. »

« Mon cher ami, voici les livres que je vous prie de m’envoyer en Finlande : l’Enéide de Virgile, le tome de Molière qui contient les fêtes de Versailles, l’ouvrage du père Ménestrier sur les joutes et carrousels, la Jérusalem délivrée, l’Arioste et l’Esprit des Femmes célèbres. Vous les trouverez dans ma bibliothèque particulière. Demandez aussi à Monvel le manuscrit que je lui ai remis, qui contient un programme de carrousel… Je n’ai pas le temps de vous en dire davantage : il faut aller à la manœuvre, Adieu. »


Que Gustave III rendît à la Suède un signalé service par la création d’un théâtre digne de ce nom, cela est hors de doute. De là vint en partie cet éclat de la première moitié du règne qui parut effacer les traces des discordes civiles et fit monter la Suède au rang des nations les plus policées. Combien cependant Gustave III et ceux qui l’entourent partagent aussi les faiblesses de leur temps ! Quelle passion du plaisir pour le plaisir même, et quel regret bien souvent d’être forcé de vivre loin de cette cour de France où il semblait que les amusemens de toute sorte se donnassent rendez-vous ! Le théâtre était chargé d’offrir les illusions en trompant les regrets. Mme de Genlis raconte dans ses mémoires que, lorsqu’elle était enfant, on l’habillait parfois en Amour, et que, ravie, elle conservait son carquois, son arc et ses ailes pendant des journées entières. Gustave III avait de ces jouissances naïves : on le voyait garder, après avoir joué lui-même sur quelque scène de cour, les oripeaux dont il s’était affublé. L’appareil d’un déguisement, les préparatifs d’une représentation, lui étaient des joies suprêmes. Distribuer les rôles, diriger les répétitions, surveiller les costumes et les accessoires, pénétrer les mystères de la coulisse ou du foyer, tout cela le charmait. Bien plus, les plaisirs du théâtre, où il paraissait à la fois comme auteur et comme acteur, ne suffisaient pas à son ardeur infatigable : aux tragédies et aux comédies classiques, aux drames et aux ballets, aux opéras, prologues, divertissemens, scènes héroïques ou lyriques, il fallait qu’il mêlât les tournois et carrousels, les mascarades, les danses à caractères, les jeux de bague et de quintaine, les surprises, les mystifications, tout ce que la frivolité d’alors inventait ou renouvelait. Stupéfaits