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tillerie peu nombreuse, mais d’un fort calibre, aptes à jouer, comme nous le disions, le rôle de gendarmes de la mer.

En suivant ainsi un à un tous les incidens de la guerre américaine qui ont exigé l’emploi de la marine, nous avons omis avec intention tous ces transports d’armée par mer ou par eau fluviale dont il a été fait un si fréquent usage. A cet égard, l’expérience de nos propres guerres en Crimée, en Italie, en Algérie, nous dispense de rien emprunter à l’étranger. Remarquons seulement en passant (nous aurons tout à l’heure l’occasion de toucher ce point avec plus de détails) que la marine militaire n’a jamais été chargée aux États-Unis, pas plus qu’elle ne l’est en Angleterre, du service de transport, regardé dans les deux pays comme contraire à la discipline et ayant à tous égards une fâcheuse influence. Lorsqu’un corps de troupes devait être transporté, un nombre suffisant de bâtimens à vapeur et autres était pour cet usage emprunté au commerce. La tâche des forces navales était uniquement d’y mettre de l’ordre, de les escorter, de prêter leur concours militaire aux expéditions de guerre que l’on avait en vue. Avec de grands cours d’eau navigables comme le Mississipi et ses affluens, la marine des États-Unis devait rendre à l’armée de terre de plus grands services que ne le pourrait faire aucune marine dans une guerre européenne. De véritables batailles navales ont été livrées sur le Mississipi. On a vu de grandes frégates à vapeur détruites par le feu de l’ennemi dans les opérations de l’escadre de Farragut, joignant ses efforts à ceux de l’armée de Grant pour isoler les armées confédérées et amener la reddition de Wicksburg. Parmi plus de deux cents combats livrés par la marine fédérale durant le cours de cette terrible guerre, le plus grand nombre certainement a eu pour but de seconder les mouvemens des armées de terre. On se battait tantôt cuirassés contre cuirassés, tantôt canonnières contre canonnières. D’autres fois on avait affaire à des batteries de côte protégées elles-mêmes par des cuirasses de fer, trop heureux quand on ne trouvait devant soi que la puissance relativement peu redoutable des canons de campagne. Guidée par ses brillans amiraux, Farragut, Goldsborough, Porter, Davis, Foote, Dahlgreen, la marine fédérale a conquis durant cette longue épreuve une haute renommée et une précieuse expérience. Elle a montré quel rôle est réservé à la force navale dans toute guerre sérieuse, soit entre deux nations maritimes, soit entre deux nations, dont l’une a des flottes, l’autre un littoral sans marine. On va voir maintenant à quelle intention nous avons rassemblé tous ces faits et cru devoir les mettre sous les yeux des lecteurs de la Revue, de ceux en particulier qui appartiennent à la marine française.