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vières des navires d’une nouvelle espèce, destinés à aller combattre et disperser les escadres qui cernaient leurs côtes. Ces navires, qui ont apparu successivement sur plusieurs points du littoral confédéré, étaient tous construits d’après le même principe, mais avec quelques modifications de détail. C’était toujours un navire à muraille et à pont cuirassé, très ras sur l’eau ; sur le pont était placée une caisse de fer à murailles inclinées, vers le centre. Dans la coque du navire se trouvaient la machine, à une ou plusieurs hélices, les approvisionnemens et les logemens ; dans la caisse étaient la batterie, la cheminée, la roue du gouvernail. Quatre ou six canons, généralement rayés, en fonte frettée, de 7 à. 9 pouces, (système Brooks), lançant des projectiles cylindriques du poids de 100 à 150, formaient l’armement. Trois canons pouvaient tirer directement en avant, trois autres en arrière, deux de chaque bord. Les sabords se fermaient à volonté au moyen d’immenses plaques de fer. Enfin il y avait à l’avant un bec formant bélier pour le cas où l’on emploierait le navire lui-même comme projectile contre les bâtimens ennemis.

Ces rams (mot anglais, qui signifie bélier), pour leur laisser le nom sous lequel ils sont connus en Amérique, étaient des machines de guerre formidables, et dès qu’on apprit au nord, leur apparition, on se mit en mesure d’enfanter quelque chose qui fût capable de les combattre. Cette création fut l’engin de guerre nouveau, connu sous le nom de monitor. C’était, ainsi que les rams, un navire cuirassé sur ses flancs, avec un pont recouvert de fer, à fleur d’eau. La différence consistait en ce que le monitor ne portait que deux canons enfermés dans une tourelle en fer dont la muraille avait onze pouces d’épaisseur, et qui tournait tout d’une pièce, présentant la gueule des deux canons dans la direction que l’on voulait, de la même manière que sur les chemins de fer on fait pivoter les voitures. Les deux canons étaient non rayés, l’un de 15 pouces de diamètre lançant des projectiles du poids de 400 livres avec une charge de 35 à 60 livres de poudre, l’autre de 11 pouces seulement. Notre marine ne possède aucun canon qui approche en puissance de ceux qui ont été employés des deux côtés, et avec succès, dans cette guerre.

Le premier de ces nouveaux navires qui parut en champ clos fut le ram confédéré le Merrimac, construit à Norfolk, avec la coque d’une grande frégate fédérale abandonnée lors de l’évacuation, de cet arsenal et de sa capture par les gens du sud. Son coup d’essai fut un coup de maître : il détruisit à Hampton-Roads deux frégates fédérales, le Cumberland et le Congress, montrant ainsi le sort réservé aux navires de la flotte de blocus qui se trouveraient sur son