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elle aura opposé une borne à l’ambition de M. de Bismark, qui aime à rester dans le vague, et elle aura fixé une échéance à la politique prussienne, dont la tactique est de gagner indéfiniment du temps. Une rencontre se prépare donc au sein de la confédération entre la politique de Vienne et celle de Berlin. Quand le choc aura-t-il lieu ? Les affaires d’Allemagne nous ont trop accoutumés à la patience pour que nous ayons la présomption de fixer une date et une durée à la phase nouvelle où la question des duchés semble être entrée. Il est singulier que ce soit au moment où il va peut-être rencontrer des embarras dans sa politique allemande que M. de Bismark se soit amusé à vexer les libéraux prussiens et à traquer une opposition qui ne cherche à se manifester que par des banquets ; mais voici une autre complication. Les tribunaux prennent parti pour les députés pourchassés ; ils proclament la légalité des banquets et condamnent comme contraires à la loi les brutalités de la police. Cette attitude des tribunaux prussiens est intéressante ; elle nous donne le mot de la patiente résistance légale soutenue par la majorité de la seconde chambre contre le ministère de M. de Bismark. On peut toujours dire en Prusse : Il y a des juges à Berlin ; mais entre la justice du pays et la police qui sera juge du conflit ?

On ne peut qu’approuver le ministère O’Donnell de la promptitude avec laquelle il exécute le dessein annoncé dès son inauguration et reconnaît le royaume d’Italie. La reconnaissance de l’Italie par l’Espagne est un fait très important. Voilà le pays catholique par excellence qui prend son parti du sort territorial qui est fait à la cour de Rome ; voilà une reine qui oublie que la maison de Naples dépossédée était une branche de sa famille ; voilà le peuple qui a été l’un des derniers envahisseurs de la péninsule, et dont les acquisitions primitives étaient devenues l’héritage de l’Autriche, qui reconnaît la pleine indépendance du peuple italien. En attachant son nom à cet acte diplomatique, le maréchal O’Donnell a mérité les applaudissemens des libéraux européens, et leur donne des espérances qu’il tiendra sans doute à honneur de justifier. Quant à l’Italie, la voilà reconnue par toute l’Europe, sauf par l’Autriche et par quelques principicules allemands. Ce concours de l’Europe autour de l’Italie isole l’Autriche. La cour de Vienne croit-elle qu’il soit bien raisonnable et bien habile de persister dans cet isolement en rêvant platoniquement au traité mort-né de Zurich ? En Amérique, M. Johnson vient d’achever l’organisation provisoire du gouvernement civil dans les anciens états séparés en donnant un gouverneur à la Floride. Il ne s’agit là que d’un régime provisoire qui laisse le temps aux populations du sud de se reconnaître, de se recueillir et de se conformer aux conditions nouvelles de leur existence. Cette situation provisoire ne préjuge rien quant à l’organisation définitive des anciens états esclavagistes. De quelle façon les droits des noirs seront-ils réglés dans les futures constitutions de ces états ? C’est un point sur lequel le congrès aura à se prononcer dans la prochaine session. Pourquoi faut-il que, quand.