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corps de son discours. Mis en demeure par un adversaire politique, M. Gladstone était en quelque sorte forcé de faire aux électeurs le triomphant récit de sa politique financière. Cet exposé, que l’orateur a rendu dramatique en prenant corps à corps les assertions de l’opposition conservatrice et en les renversant sous des réfutations vives, spirituelles, véhémentes, se résume en des chiffres merveilleux. En 1860, le budget anglais s’élevait à 73 millions sterling ; en 1865, il est descendu à 66 ou 67 millions : il est inférieur d’au moins 6 millions au chiffre d’il y a six ans ; mais dans cet intervalle M. Gladstone a eu l’adresse et le bonheur de faire remise aux contribuables de taxes dont le total représente annuellement 16 millions sterling. Ainsi, tandis que le revenu n’a décru que de 150 millions de francs, la nation anglaise jouit, par l’effet des mesures de M. Gladstone, d’une réduction de taxes de 400 millions par an, si l’on compare l’année financière de 1860 à l’année courante. On ne saurait trop insister sur un pareil fait, qui ne peut pas être seulement un sujet de satisfaction pour l’Angleterre, mais qui devrait être pour la France un exemple et un enseignement. Voilà la politique financière qui correspond à la véritable politique du libre échange. Vous soumettez les producteurs nationaux à la libre concurrence étrangère, vous devez aux producteurs nationaux le dégrèvement de la taxation, vous devez, avec les réductions obtenues sur les dépenses, procurer au pays le moyen d’augmenter ses épargnes productives et d’accroître avec vigueur chaque année le capital national. Nous croyons avoir imité la politique commerciale de l’Angleterre ; nous n’y aurons pas réussi avant de nous être instruits à l’école de M. Gladstone, avant d’avoir compris qu’il vaut mieux, pour enrichir le pays, réduire la taxation que de faire, par l’état et les administrations publiques, des travaux coûteux, stériles, qui troublent l’équilibre industriel et altèrent les conditions naturelles des prix de la main-d’œuvre. M. Gladstone a répété cette démonstration dans son discours de Liverpool de la façon la plus décisive. Agir de la sorte, c’est faire véritablement ce qui s’appelle le bien public. Quand on a réalisé de semblables mesures, dont l’expérience a prouvé l’efficacité pour le bien-être d’un peuple, on peut se consoler d’avoir sacrifié à un si grand objet de simples liaisons de parti ; mais est-ce là une affaire de parti ? « Ce sont des objets, s’est écrié M. Gladstone avec une sincérité pénétrante, qui appartiennent au pays tout entier, à cette Angleterre où nous vivons tous. Quelle folie qu’il se soit trouvé un parti dans l’état pour abandonner à ses rivaux le monopole et la gloire de la réalisation d’une telle œuvre ! Qu’ils sont heureux au contraire ceux à qui il a été donné d’y mettre la maint Quant à moi, je ne saurais trop me féliciter d’avoir été appelé à reconnaître, non par une délibération de mon esprit, mais par les circonstances où j’étais placé, que mon devoir absolu était d’entreprendre cette œuvre bienfaisante, dont l’accomplissement est la principale étude et l’objet de ma vie. » Il est inutile de dire qu’à cette œuvre d’économie philanthropique M. Gladstone ajoute, dans son pro-