Page:Revue des Deux Mondes - 1865 - tome 58.djvu/772

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rels, pour qu’une nation ne se sente point contrariée dans l’expansion de sa vie. On éprouve aujourd’hui chez nous un sentiment de ce genre dans les régions où sont les véritables forces de la vie politique. Ce sentiment s’est montré dans les élections municipales de nos grandes villes. Que des routiniers de l’école autoritaire ne cherchent pas à donner le change sur les moyens par lesquels les succès de l’opposition ont été obtenus dans ces élections, qu’ils ne parlent point de la coalition des vieux partis ; il est absurde de parler des vieux partis sous un gouvernement qui dure depuis quatorze ans. Toutes les anciennes opinions ont dû subir durant cette période des modifications qui les ont renouvelées ; elles ont toutes appris par exemple qu’elles ont un intérêt commun, un centre d’union qui est la liberté, et c’est en effet au nom de l’union libérale qu’elles ont combiné leurs efforts. Mais l’appoint le plus considérable, le plus efficace, le plus vivace, leur a été apporté et leur est fourni chaque jour par les générations qui depuis quatorze ans arrivent à la vie publique. C’est de ces générations qu’il faut maintenant se préoccuper ; soyez sûrs que vous ne les gagnerez point avec des routines rébarbatives, et que vous n’aurez pas leurs suffrages, si vous n’avez à leur offrir que du vieux.

L’honorable M. Duruy a, quant à lui, une façon singulière de s’occuper de l’éducation politique de notre jeunesse. M. Duruy a quelquefois manifesté des intentions libérales auxquelles on s’est empressé de rendre justice ; mais quelquefois aussi il a eu des excès et des bizarreries de zèle devant lesquelles on n’a pu toujours s’empêcher de sourire. C’est dans les sujets des compositions du grand concours que M. Duruy s’est fait remarquer cette fois. Plusieurs de ces sujets sont fort extraordinaires, mais nous les passerions encore à la fantaisie de l’ingénieux ministre. M. Duruy donne par exemple pour thème de la composition d’histoire la question d’Orient. Temps heureux que celui où l’on apprend la question d’Orient au collège ! À coup sûr, pour juger du mérite des compositions, M. Duruy ne se fiera point aux lumières de simples officiers de l’université, et formera un jury ad hoc composé tout au moins de MM. de Bourqueney, Thouvenel et Drouyn de Lhuis. Le lauréat ne manquera point de fournir une utile recrue au personnel du ministère des affaires étrangères, et, s’il ne devient ministre, fournira sans doute au département, qui n’est peut-être pas trop riche sous ce rapport, un écrivain de dépêches élégant et correct. Les professeurs feront bien, pour exciter l’émulation des jeunes élèves, de leur apprendre que le présent ministre des affaires étrangères est un ancien prix d’honneur. Passe pour la question d’Orient, passe aussi pour la question d’Alger. M. Duruy veut en effet, avec ce délicat esprit d’à-propos qui convient aux solennités académiques, que le prix d’honneur soit disputé cette année sous la forme d’un discours qu’Auguste aurait adressé au sénat touchant l’organisation du gouvernement de l’Afrique, sage harangue où l’orateur impérial recommanderait de traiter avec une égale sollicitude les