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REVUE MUSICALE

HEROLD ET MARIE - L'AFRICAINE A LONDRES.

Combien de fois n’a-t-on pas reproché à la musique dramatique française son réalisme frivolement spirituel, son ingéniosité mesquine et son terre-à-terre ! Grétry, Jean-Jacques Rousseau (le Jean-Jacques du Devin de Village), Philidor, Gaveaux, Monsigny, Dalayrac, semblaient nés et mis au monde tout exprès pour servir à l’argumentation d’un Schlegel, qui, de l’autre côté du Rhin, s’escrimant contre nos tragédies classiques et nos opéras à ariettes, concluait que l’art français ne saurait jamais être, quoi qu’il fît, qu’un art essentiellement prosaïque et bourgeois, « Il faut les voir, ces Français, épousseter leurs vieilles nippes, les remettre à neuf, applaudissant aux plus niaises inventions d’un genre qu’ils appellent national, car c’est un des traits distinctifs de leur caractère, et surtout remarquable dans l’histoire de leur théâtre, que ces gens, d’ordinaire si prompts à répudier arbitrairement les meilleurs ouvrages étrangers, ne cessent de se passionner pour le médiocre et le mauvais, pourvu qu’ils aient affaire à de la marchandise française ! » Il est vrai qu’à cette époque de son histoire musicale la France ne pratiquait pas encore l’exportation sur une bien grande échelle ; mais quel changement, quelle évolution dans les cinquante années qui allaient suivre ! Quelle réponse aux dédaigneuses attaques des Schlegel, des Spohr et des Weber que cette intronisation de l’opéra français venant prendre la place de l’opéra italien sur toutes les scènes de l’Allemagne ! Et pour que cette pointe d’ironie mêlée partout aux choses de ce monde se retrouve, c’est la vieille comédie à ariettes, sur laquelle a passé le souffle du romantisme moderne, qui se charge d’accomplir ce beau rêve !