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de la disgrâce de San-ko-lin-sin ni des châtimens qui devaient être infligés aux auteurs de l’attentat du 18 septembre, omission qui pouvait d’ailleurs s’expliquer, parce que lord Elgin, se chargeant lui-même de sa vengeance par l’incendie du palais d’été, avait dédaigné de demander dans son ultimatum la punition des coupables. -— En résumé, le prince Kong se soumettait à tout ce qui était exigé de lui.

On a blâmé lord Elgin d’avoir ordonné la destruction du palais d’été. En France, la réprobation a été presque unanime ; en Angleterre, beaucoup de voix se sont élevées contre cet acte. Allant au-devant des critiques dont sa conduite pouvait être l’objet, critiques que lui faisait pressentir l’attitude « du baron Gros et du général Montauban, ambassadeur anglais exposa longuement, dans une dépêche adressée à lord John Russell le 25 octobre, les motifs de sa résolution. Selon lui, une réparation éclatante, exceptionnelle, était nécessaire : Réclamer une indemnité plus forte en argent, c’eût été demander l’impossible, le trésor impérial étant épuisé. Occuper un territoire ou une ville, c’eût été s’engager dans des complications sans fin. Fallait-il exiger qu’on livrât les coupables ? Mais alors les Chinois eussent sacrifié quelques méchans mandarins de la dernière classe, innocens peut-être, qui auraient payé pour les gros. Que restait-il donc ? Après avoir bien cherché, bien réfléchi, lord Elgin n’avait trouvé de praticable que la destruction de ce palais d’été, résidence favorite de l’empereur. Il atteignait ainsi l’empereur dans son orgueil et dans ses sentimens les plus chers. Il faisait un acte qui, en Chine, selon les idées chinoises, devait produire une vive et durable impression. Tels furent les argumens développés par lord Elgin. On pourrait jusqu’à un certain point les admettre. Les questions d’humanité, de civilisation, de générosité, nous semblent avoir été mal à propos invoquées au sujet de cet incident. Lord Elgin avait le cœur aussi haut que l’esprit ; il voyait un grand but à atteindre, et il ne s’arrêtait pas devant la rigueur du moyen, lorsqu’après tout il ne s’agissait que de démolir des amas de pierre et de bois, sans compromettre la vie d’un seul homme.

Ce n’est pas à ce point de vue cependant qu’il convient d’apprécier l’acte qui a excité tant de controverses. Il faut se placer dans la situation où se trouvaient les alliés la veille du jour où cet acte s’est accompli. Or à ce moment lord Elgin risquait beaucoup et jouait gros jeu. Pékin pris et l’empereur en fuite, le prince Kong était réellement acculé et n’avait plus qu’à se rendre. La paix était certaine. Pourquoi la compromettre ou même seulement la retarder par des prétentions exorbitantes ? Qu’aurait fait lord Elgin si le prince