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à vous que j’écris, et non aux généraux, puisque nous sommes en paix. » Les généraux n’en persistèrent pas moins dans leur sommation. Le 13, à l’heure dite, un détachement de troupes alliées occupa la porte, qui fut livrée par les habitans. immédiatement le prince écrit à lord Elgin et au baron Gros :


« Je viens d’apprendre que les soldats de votre escorte sont entrés dans la ville. La sage discipline qu’ils observent a ramené la tranquillité parmi la population et dissipé son inquiétude et ses craintes. Il est démontré que les intentions pacifiques de votre excellence sont sincères ; je suis heureux de le savoir, et de mon côté je dois agir avec toute loyauté. J’ai donc donné l’ordre à Heng-ki, directeur de l’arsenal, de s’entendre avec le délégué que votre excellence désignera pour régler tout ce qui est relatif à la convention préparée à tien-tsin et pour fixer le jour de l’échange des ratifications du traité de 1858, afin que tout soit prêt d’avance. Si ces préparatifs étaient faits à la hâte, après l’entrée de votre excellence dans la ville, il y aurait à craindre que les dispositions ne fussent pas prises avec le soin convenable, ce qui serait contraire à mes intentions. »


Voilà comment le prince Kong s’avise de transformer en une simple garde d’honneur la troupe qui, à la suite d’une sommation en règle, est maîtresse de l’une des principales portés de Pékin et s’établit sur les remparts avec ses canons plongeant dans la ville ! C’est du Chinois tout pur. Et avec quel empressement le prince, applaudissant à ce qu’il ne peut empêcher, répète-t-il que l’affaire est terminée, que la paix est conclue, la paix de Tien-tsin ! Il craint évidemment que les alliés ne se contentent plus des conditions primitivement exigées ; il comprend que depuis Tien-tsin, et surtout depuis Tong-chaou, il s’est passé bien des événemens qui justifieraient des exigences nouvelles. C’est lui maintenant qui est impatient, qui demande le jour et l’heure, et qui veut absolument en finir. En réalité, Pékin vient de capituler ; Pékin est pris, et la capitale de l’empereur de Chiné est dès ce moment placée sous la protection des généraux alliés.


V.

Les appréhensions du prince Kong étaient fondées. A mesure que les prisonniers rentraient au camp, on apprenait par eux, et rien qu’à la vue de leurs plaies encore saignantes, les odieux traitemens qu’ils avaient eu à subir pendant leur captivité. Ces récits étaient navrans, non que les mandarins eussent inventé pour les prisonniers européens des tortures particulières ; mais la loi pénale des Chinois est impitoyable, et elle se distingue par l’horreur comme par la variété des supplices : ce peuple, dont les mœurs sont gé-