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qui s’était évanouie, mais son orgueil et son prestige. Le 9 octobre, les troupes alliées étaient campées au nord de Pékin, en vue des murailles, et disposaient leur artillerie.

Le premier effet du mouvement des troupes avait été la mise en liberté des prisonniers. Ce que la diplomatie, avec ses réclamations, avec ses menaces, avec ses appels au droit des gens, n’avait pu jusqu’alors obtenir, l’approche de quelques milliers de soldats l’obtint sans conditions et sans délai. Il en fut presque toujours ainsi dans cette campagne en partie double, où l’action passait alternativement des ambassadeurs aux généraux et des généraux aux ambassadeurs. Les Chinois, cédaient au moment où ils voyaient la lame sortir du fourreau. Le 8 octobre, MM. Partes et Loch, M. d’Escayrac et plusieurs soldats, furent retirés des prisons de Pékin et remis aux alliés. D’autres prisonniers furent rendus les jours suivans ; mais tous ceux, que l’on attendait ne revinrent pas. On compta dix-neuf absens, c’est-à-dire dix-neuf victimes. Qui ne se souvient des sentimens de sympathie et d’estime qu’ont inspirés en France et en Angleterre les quelques pages dans lesquelles M. d’Escayrac, M. Parkes et M. Loch ont raconté, jour par jour, les incidens de leur captivité ? Insultés, menacés de mort par les mandarins, jetés dans d’infectes prisons à côté des criminels de la pire espèce, livrés aux tourmens physiques et aux angoisses morales, ils avaient intrépidement supporté tant d’épreuves. Plût au ciel que ceux dont les Chinois n’avaient pu rendre que les cadavres n’eussent pas eu à subir les mêmes tortures ! Tous du moins, dans leur captivité ou par leur mort, avaient affirmé aux yeux des Chinois la supériorité de la race européenne, et ils leur avaient montré ce que valait par le courage la poignée d’hommes qui menaçait Pékin.

Le 10 octobre, les généraux adressaient une sommation au prince Kong pour qu’il eût à leur livrer le 13 avant midi l’une des portes de la ville ; ils s’engageaient à respecter la vie et la propriété des habitans. Le prince se retourna alors tout ému vers les ambassadeurs. « Comment, leur dit-il d’abord, vos troupes ont-elles pu, sans vos ordres, attaquer le palais d’été ? Il faut que vous vous expliquiez sur un pareil acte. Quant au traité, il sera signé tel qu’il a été convenu à Tien-tsin, sans addition ni changement. Vous viendrez à Pékin avec votre escorte pendant que votre armée campera hors de la ville. Vos généraux ont demandé qu’on leur livrât une des portes : j’y consens ; mais encore faut-il que nous réglions les conditions. Nous prendrons jour pour vous remettre les prisonniers qui sont encore entre nos mains : on fait rechercher ceux qui ont disparu. Les blessés sont entourés des plus grands soins. C’est